Quelles qu'en soient les motivations, l'activisme croissant de la Russie inquiète de plus en plus la Finlande et la Suède, seuls États d'Europe du Nord à ne pas appartenir à l'Alliance atlantique. L'annexion de la Crimée en 2014, l'implication de Moscou dans la guerre qui se déroule à l'est de l'Ukraine, le renforcement de l'armée russe et ses démonstrations de force dans la zone de la Baltique, et même plus au nord, incitent Helsinki et Stockholm à revoir leurs perceptions de la politique et des objectifs du président Vladimir Poutine. Les gouvernements finlandais et suédois se sentent désormais obligés de remuscler leurs défenses respectives après des années de nette réduction des dépenses militaires. Le débat récurrent sur l'opportunité d'une adhésion à l'Otan est relancé. Dans les deux capitales, on pèse le pour et le contre. On s'interroge sur les intentions réelles de Moscou et sur l'impact que le changement d'administration aux États-Unis aura sur la sécurité régionale. L'heure est à la valse-hésitation.
« Neutralité » et nouvelle donne
La Suède et la Finlande ont longtemps affiché leur « neutralité ». La première, neutre depuis 1814, a particulièrement revendiqué cette politique après la Seconde Guerre mondiale - si bien que, pendant une partie de la guerre froide, elle a en quelque sorte incarné une « voie intermédiaire », proche du mouvement des non-alignés, entre le bloc occidental et son pendant communiste. La seconde, possession tsariste jusqu'en 1917, est devenue neutre à partir de 1935 puis après 1945 par nécessité plus que par conviction, en raison d'un contexte régional compliqué et d'une frontière commune avec l'URSS longue de quelque 1 300 kilomètres et partiellement modifiée au profit de cette dernière après la défaite de l'Allemagne nazie.
Grands principes et entailles
Adeptes de la diplomatie multilatérale dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, les deux « neutres » nordiques ont, certes, envoyé à plusieurs reprises des contingents participer à des opérations de maintien de la paix, mais toujours sous la bannière de l'ONU (Liban, Chypre, etc.), ce qui était compatible avec leur neutralité officielle. « Officielle » parce que, du côté suédois, les autorités - politiques comme militaires - ont souvent pris des libertés avec ce concept. Pendant la Seconde Guerre mondiale, en autorisant l'armée allemande à faire transiter via le territoire suédois plus de deux millions d'hommes en direction et en provenance de la Norvège, occupée depuis avril 1940, et du front finlandais ; en livrant du minerai de fer à Berlin pour alimenter la machine de guerre nazie, minerai payé par de l'or d'origine douteuse ; en internant des communistes suédois dans des camps de travail pour prévenir tout acte anti-allemand ; en contrôlant les médias du royaume pour ne pas déplaire au régime nazi... Puis, après la guerre, en contribuant au dispositif occidental de surveillance de l'espace soviétique ; en échangeant des informations avec les armées de pays de l'Otan et, particulièrement, celle des États-Unis, tout en dénonçant officiellement l'« impérialisme américain » au Vietnam et dans d'autres pays …
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