Politique Internationale - 5 juin 1967 : prenant de vitesse une coalition arabe qui lui promettait de le rayer de la carte, Israël attaque les armées égyptienne, jordanienne et syrienne massées à ses frontières. En moins d'une semaine, la victoire est totale. Le Sinaï, la bande de Gaza, le plateau du Golan, Jérusalem-Est et la Cisjordanie sont conquis. Tous les éléments du conflit israélo-palestinien, qui structure les rapports de force dans la région et au-delà depuis 50 ans, sont en place. Avec le recul, diriez-vous que la guerre des Six-Jours fut le grand tournant que soulignent la plupart des observateurs ?
Frédéric Encel - Oui et non. Oui, car cette guerre a (re)mis sur le devant de la scène géopolitique et diplomatique la question palestinienne. Or celle-ci avait été « effacée » par un conflit israélo-arabe de nature interétatique ; un conflit, au fond assez classique, entre voisins en lutte. En s'emparant de la Cisjordanie, de Gaza et de Jérusalem-Est, l'État hébreu prend le contrôle d'un million de Palestiniens vivant sous la férule jordanienne ou égyptienne, et va devoir les gérer ; en cela, au moins, les conséquences de la guerre de 1967 apparaissent plus politiques que celles des conflits de 1956 et de 1973. Il s'agit aussi d'un tournant dans le monde arabe où stupéfaction, consternation puis rancoeur vont saper les bases d'un nationalisme jusqu'alors en plein essor : Nasser a essuyé un échec humiliant ; de vastes territoires arabes sont perdus et Jérusalem se trouve complètement contrôlée (et annexée) par Israël. Des discours de plus en plus religieux vont se substituer progressivement à la rhétorique nationaliste, la représentation mystique et religieuse de l'oumma (communauté des fidèles) concurrençant celle très politique de la watan (nation), notamment avec la réémergence des Frères musulmans dans les années 1970. Attention : je ne dis pas que le désastre des Six-Jours a provoqué l'islamisme et la chute du nationalisme arabe, mais il en fut l'un des puissants ressorts.
En même temps, la guerre de juin 1967 ne constitua pas un tournant si considérable qu'on veut bien le dire. D'une part, parce qu'il faudra attendre la guerre du Kippour d'octobre 1973 pour que la paix israélo-égyptienne de Camp David (1) soit conclue ; d'autre part, parce que les grands fondamentaux du Proche et du Moyen-Orient qui existaient avant ont perduré après, à commencer par l'instrumentalisation du religieux au profit du politique, la sacralisation des frontières, le victimisme ou encore l'argument d'antériorité valant légitimation des revendications sur le mode « puisque nos ancêtres étaient présents avant les vôtres, cette terre nous appartient ». Et puis, sur le plan strictement militaire, il s'agit de l'ultime affrontement de type blitzkrieg du XXe siècle et peut-être de l'Histoire, mais certes pas le premier ! Donc, à ce niveau non plus, 1967 ne marque pas un changement radical.
P. I. - Ce conflit connaîtra des prolongements diplomatiques majeurs avec, en particulier, la fameuse résolution 242 du Conseil de sécurité...
F. E. - Qui fait sentir ses effets jusqu'à nos …
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