Après s'être retirée du traité de non-prolifération en 2003, la Corée du Nord a procédé entre 2006 et septembre 2017 à six essais nucléaires. Si la possession supposée de l'arme atomique a constitué pour Kim Jong-il, au pouvoir de 1991 à 2011, un outil de négociation, son fils Kim Jong-un en a fait, lui, un marqueur identitaire du régime. Son objectif, clairement affiché, est de se voir reconnaître le statut d'État nucléaire. Depuis le début 2017, en se concentrant sur une campagne de tirs spécifiques, le régime cherche à se doter de missiles balistiques intercontinentaux susceptibles d'emporter des ogives nucléaires - dans le but de pouvoir frapper le territoire américain.
Pyongyang semble toutefois adhérer à une doctrine de dissuasion de type « non emploi en premier » ou dissuasion du faible au fort, ses armes nucléaires ne devant être utilisées qu'en réponse à une attaque étrangère de même type. Selon cette logique de représailles, son arsenal ne constitue pas une menace en soi, mais le plus sûr moyen de protéger son système de pouvoir et d'offrir une garantie de sécurité contre une éventuelle invasion américaine. À ce titre, la recherche d'une capacité balistique intercontinentale constitue une dimension essentielle de la stratégie nucléaire nord-coréenne. Jusqu'à présent, la Corée du Nord était perçue comme pouvant infliger de graves dommages à son voisin du Sud, au Japon ainsi qu'aux forces américaines qui y sont stationnées. En se donnant les moyens d'atteindre les États-Unis, Pyongyang se mettrait théoriquement à l'abri de toute éventuelle attaque préemptive, sauf à faire le pari du pire du côté américain (1).
Confrontée à une Corée du Nord de plus en plus agressive, l'administration Trump, après avoir largement critiqué la politique de « patience stratégique » mise en oeuvre par Barack Obama, peine à définir sa propre ligne (2). Elle multiplie des démonstrations de force qui, au grand déplaisir de la Chine, sont allées jusqu'au déploiement conjugué de trois porte-avions américains - les USS Carl Vinson, Ronald Reagan et Nimitz - à proximité de la péninsule coréenne courant mai 2017. En août 2017, un nouvel épisode de tension déclenché par les tirs de missiles balistiques nord-coréens du mois précédent a donné lieu à une escalade verbale entre les dirigeants, américain et nord-coréen, tout aussi inédite que déstabilisante. Sous le coup de nouvelles sanctions, Pyongyang procède à un sixième essai le 3 septembre suivant. Prenant la menace balistique nord-coréenne très au sérieux, Donald Trump a décidé d'accroître les investissements dans la défense antimissile. Les États-Unis ont d'ailleurs récemment effectué - et réussi - un coûteux test d'intercepteur de missiles intercontinentaux et projettent de développer un nouvel intercepteur. Cette politique d'intimidation masque mal vingt-cinq ans d'une stratégie américaine louvoyante qui, dès les années 1990, n'a pas su analyser les réelles motivations à l'oeuvre derrière les ambitions nucléaires nord-coréennes afin de les endiguer.
L'accord-cadre de Genève de 1994 (3), partiellement repris par le mécanisme de dialogue des Pourparlers à Six en 2003, prévoyait une aide internationale et des garanties de sécurité afin d'aider …
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