Isabelle Lasserre - Monsieur le Ministre, y a-t-il certains points de la politique étrangère française que vous aimeriez réorienter ?
Jean-Yves Le Drian - Je voudrais d'abord dire que j'ai été frappé, à New York où j'ai passé une semaine à l'Assemblée générale de l'ONU, de voir s'affronter deux stratégies de politique étrangère radicalement opposées : celle d'Emmanuel Macron et celle de Donald Trump. Avec d'un côté de l'ambition, de l'optimisme, un volontarisme affirmé. Et, de l'autre, du pessimisme, une tendance au repli sur soi. Le président de la République considère le multilatéralisme comme une nécessité pour résoudre les crises et répondre aux défis majeurs du XXIe siècle tandis que son homologue américain privilégie la stratégie du cavalier solitaire et préfère agir unilatéralement ou négocier d'État à État sur la base d'un rapport de forces. Ces deux visions du monde sont totalement différentes. Honnêtement, vous l'aurez compris, c'est celle d'Emmanuel Macron qui m'enthousiasme. J'ai bien senti, dans les réunions auxquelles j'ai participé, y compris dans celles qui se sont tenues en l'absence du président de la République, que la France avait aux yeux des autres États la force et l'énergie nécessaires pour donner un second souffle aux Nations unies et leur permettre de faire du XXIe siècle un siècle pacifié, porteur de développement.
I. L. - Quelles sont les principales différences, en matière de politique étrangère, entre Emmanuel Macron et François Hollande ?
J.-Y. L. D. - Les grands principes de la politique étrangère sont ceux de la France, et ils s'inscrivent dans notre histoire républicaine. La nouveauté, c'est qu'ils sont désormais affirmés et mis en pratique de façon pragmatique et avec plus de vigueur. Ils sont d'autant plus mis en valeur qu'à travers le monde les crises se sont aggravées et que Donald Trump renvoie, lui, une image totalement inverse de la vision française.
I. L. - Quelles sont les erreurs qui, selon vous, ont été commises au cours du précédent quinquennat ?
J.-Y. L. D. - Je ne crois pas qu'il y ait eu des erreurs. Ce qui saute aux yeux, par exemple, c'est la différence d'approche vis-à-vis du projet européen. François Hollande pensait que la relance serait possible sans changer les normes de fonctionnement et sans remettre en cause la règle du consensus. Il voulait adapter l'Europe. Emmanuel Macron, lui, estime qu'il faut la refonder et qu'il faut le faire avec Berlin, en consolidant le couple franco-allemand. Il sait en outre que, pour relancer l'Europe avec l'Allemagne, il lui faudra être crédible auprès de nos partenaires. C'est-à-dire avoir réalisé des réformes en France. Si la mise en oeuvre de ces réformes a été aussi rapide et ambitieuse, c'est en outre qu'il fallait engager cette transformation avant le rendez-vous de la relance européenne qui doit avoir lieu à la fin de l'année 2017, une fois les échéances électorales allemandes passées et le gouvernement de coalition constitué. Si nous avions décidé d'aller plus lentement, nous n'aurions pas été prêts pour ce rendez-vous européen crucial aux yeux du président. Pourquoi, …
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