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Le Qatar, un État schizophrène ?

Le Qatar, véritable hub diplomatique et financier du golfe Persique, est loin de l'idée que l'on s'en fait en Europe. Au-delà d'une politique d'investissements tous azimuts et de quelques événements majeurs comme le Forum de Doha ou l'organisation de la coupe du monde de football 2022, se cache en effet une réalité moins flatteuse. Premier exportateur mondial de gaz naturel liquéfié (GNL), l'émirat reste handicapé par une structure sociologique fragile, de profondes rivalités tribales et politico-religieuses, et une instabilité géopolitique chronique.

Presqu'île du golfe Persique devenue indépendante en 1971, le Qatar compte 300 000 autochtones pour environ deux millions d'expatriés. Ce pays minuscule, entouré par l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, fait face à l'Iran. Il entretient, depuis sa création, des relations complexes, voire conflictuelles avec ses trois voisins. L'Arabie saoudite, wahhabite (1) comme lui, et les Émirats arabes unis ont toujours rêvé de faire du Qatar un émirat vassal, voire une province. Une crise a éclaté au début de l'été 2017 : poussé par les États-Unis, Riyad a rompu ses relations diplomatiques avec Doha, accusé de « soutenir le terrorisme » - Daech, Al Qaïda et l'organisation internationaliste des Frères musulmans. Le royaume saoudien a également exigé du Qatar qu'il ferme sa chaîne de télévision Al Jazeera, suspectée de faire le jeu de la confrérie égyptienne. Quant à l'Iran chiite, il rêve d'étendre sa mainmise sur la totalité du vaste champ gazier off-shore de North Dome, situé dans les eaux du Golfe qu'il partage avec l'émirat. Les Qataris ont néanmoins choisi de se démarquer du grand frère et de se rapprocher de l'Iran, qu'ils regardent pourtant depuis toujours comme un adversaire menaçant du fait de ses ambitions expansionnistes et de sa stratégie d'influence dans la région.

La ligne politique de Doha apparaît fluctuante, les jeux d'alliances avec ses partenaires se faisant et se défaisant au gré de tensions incessantes, sans vision à long terme. Ces passes d'armes entre les pétromonarchies du golfe Persique, pourtant alliées au sein du Conseil de coopération du Golfe (CCG) (2) créé en 1981, sont en fait le fruit d'une psychologie politique qui plonge ses racines dans la structure sociétale de ces pays.

Un peuple de bédouins et de pêcheurs

Lorsqu'on survole Doha, on distingue trois choses : le sable fin du désert qui s'étend à perte de vue ; les eaux turquoise du Golfe ; et d'immenses blocs de béton et de verre qui s'étirent vers le ciel. Vu d'en haut, tout semble figé dans cet espace certes très restreint, mais en pleine expansion.

La capitale qatarie est une cité électrisée et frénétique où, au-delà de 7 heures du matin, il est impossible de prendre sa voiture sans risquer de se trouver coincé dans un embouteillage. C'est une ville polluée où l'on respire autant les gaz des pots d'échappement que les fines particules de sable qui envahissent la ville à la moindre tempête.

À Doha, la chaleur et l'humidité sont extrêmes durant six mois de l'année. D'avril à septembre, il est inimaginable de …