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Riyad-Washington :une nouvelle lune de miel ?

Depuis la désignation de Mohammed ben Salmane comme prince héritier en juin 2017, la politique étrangère de l'Arabie saoudite est l'objet d'intenses spéculations. Même si le roi Salmane demeure en poste, son fils Mohammed est, à n'en pas douter, le chef d'orchestre de la politique extérieure du Royaume - un rôle qu'il avait, d'ailleurs, déjà commencé à exercer avant même de devenir officiellement le dauphin. L'homme a réussi à établir un lien fort - bien que peut-être temporaire - avec le président Donald Trump et son administration, grâce 1) à des investissements importants auprès d'agences de relations publiques et de divers lobbyistes de Washington ; et 2) à la promesse d'injecter des fonds dans l'économie américaine. En revanche, les relations du Royaume avec l'Europe semblent entrer dans une période de refroidissement. Les dirigeants du Vieux Continent paraissent encore hésiter sur ce qu'ils peuvent attendre de l'héritier. Nombre d'Européens sont néanmoins désireux de gagner ses faveurs, avec des arrière-pensées économiques, stratégiques et sécuritaires : ils ont en ligne de mire des retombées financières et des partenariats militaires plus poussés. Enfin, dans le monde arabe, le jeune prince saoudien a déjà consolidé de nouveaux partenariats - quelque peu instables - avec des pays comme l'Égypte et les Émirats arabes unis, afin d'isoler encore davantage l'ennemi juré de Riyad : l'Iran.

Au Moyen-Orient, les récentes décisions saoudiennes ont provoqué une fracture au sein du Conseil de coopération du Golfe. Deux pays - Oman et le Qatar - ont adopté une ligne divergente de celle du royaume wahhabite sur plusieurs sujets essentiels qui vont de la politique à suivre à l'égard de l'Iran au rôle des mouvements islamistes dans le monde arabe. L'offensive régionale du Royaume embarrasse ses partenaires internationaux : dans ce nouveau conflit du golfe Persique, ils seront tôt ou tard invités à choisir un camp ou l'autre ; et leur choix pourrait, parfois, ne pas correspondre pleinement à leurs intérêts nationaux. Ce qui est sûr, c'est que le nouveau prince héritier est prompt, dans ses prises de position en matière de politique étrangère, à récompenser ses alliés et à punir ceux qui hésitent à le soutenir.

Les manoeuvres de Salmane

Quelques heures après le décès du vieux roi Abdallah ben Abdelaziz al-Saoud le 23 janvier 2015, à plus de 90 ans, son demi-frère, le prince héritier Salmane, né en 1935, devint roi. Le vice-prince héritier Moukrine, né en 1945, passa à son tour au rang de prince héritier. Le ministre de l'Intérieur Mohammed ben Nayef, né en 1959, prit la place de ce dernier dans l'ordre de succession. Ces arrangements laissaient transparaître l'intention du nouveau roi Salmane de respecter le plan de succession qu'avait élaboré son frère disparu. Avant sa mort, le roi Abdallah avait clairement fait savoir aux autres princes de premier plan que la séquence de succession devait demeurer telle qu'il l'avait stipulée et confirmée dans ses décrets royaux. Les Saoudiens, mais aussi les observateurs extérieurs, poussèrent un soupir de soulagement au vu de cette transition rapide et sans …