Il y a huit ans, au sortir de la Grande récession, tous les experts étaient convaincus que les pertes de la crise allaient être rapidement résorbées grâce à une courte période de forte reprise (en deux ans au maximum). L'économiste américain Kenneth Rogoff venait de publier une étude magistrale dans laquelle, avec sa femme Carmen Reinhart, elle aussi professeur à Harvard, il analysait toutes les crises financières survenues dans le monde depuis la guerre (1). Il y montrait que, plus la récession était prononcée, plus la reprise était forte. Personne ne doutait que c'était ce qui allait se produire à nouveau. Pourquoi en aurait-il été autrement ?
Mais ce n'est pas ce qui s'est passé. La reprise miracle tant attendue n'est jamais arrivée. La croissance est redevenue positive, mais à un rythme qui n'a plus rien à voir avec celui d'avant : en moyenne, sur les huit dernières années, le taux de croissance américain a été divisé par deux (1,8 % pour le PIB au lieu des 3,5 % du trend des vingt années précédentes). Si l'on tient compte de la croissance démographique (liée à l'immigration), ce taux n'est que de + 0,9 %. En Europe, hormis l'Allemagne, la déception a été encore plus forte : le PIB de la zone euro n'a retrouvé son niveau de 2007 qu'en 2016, soit neuf ans après le déclenchement de la crise (contre six ans aux États-Unis).
Plus parlante est la comparaison avec les années 1930 : combien savent que, malgré l'ampleur sans commune mesure du recul de la production européenne, celle-ci avait retrouvé son niveau de 1929 dès l'année 1935 ? Et qu'aux États-Unis la reprise entre 1933 et 1941 s'était faite sur un rythme deux fois plus rapide que la croissance moyenne des huit dernières années (et cela, malgré la rechute de 1937) ? À l'aune de ces comparaisons, la période d'après-crise ressemble de plus en plus à ce qu'il faut bien appeler une stagnation, une grande panne, voire - n'ayons pas peur du terme - une dépression larvée. Et l'on ne peut guère s'étonner des conséquences politiques qui en résultent (la montée des contestations populistes).
Pourquoi ? Qu'est-ce qui empêche le déclenchement d'une vraie reprise ? Quelle est la nature du plafond de verre qui, apparemment, limite les espoirs de reflation durable (2) ?
Larry Summers et la stagnation séculaire
L'explication la plus en vogue est celle de la stagnation séculaire (secular stagnation) proposée par l'ancien conseiller économique du président Bill Clinton, le professeur Larry Summers (3).
Pour Summers, le fait économique le plus important de notre époque, celui qui commande tout et sans lequel ce que nous connaissons depuis 2007 n'aurait jamais eu lieu, est la baisse tendancielle des taux d'intérêt. Celle-ci pré-date les événements de 2008. Le niveau exceptionnellement bas des taux actuels est l'aboutissement d'un trend que les réactions des banques centrales à la crise ont certes accompagné, mais qui a débuté dès la fin des années 1980 et qui s'appuie sur trois facteurs structurels de long …
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