Le 11 septembre 2017, pour la première fois dans l'histoire de la Norvège, une coalition gouvernementale comprenant un parti populiste de droite a réussi à se succéder à elle-même. Les électeurs n'ont certes pas accordé de majorité parlementaire à cette équipe emmenée depuis l'automne 2013 par la conservatrice Erna Solberg, mais la première ministre sortante s'est vu confier la tâche de poursuivre son action à la tête du royaume de 5,3 millions d'habitants pendant au moins quatre ans. L'une des personnalités centrales de cette coalition minoritaire est sans conteste Sylvi Listhaug, la ministre de l'Immigration et de l'Intégration. Nommée à ce poste créé expressément pour répondre à la crise des migrants, cette partisane d'une immigration très contrôlée est devenue, depuis, l'une des responsables politiques les plus controversées du pays. Admirée au sein du Parti du progrès, formation longtemps contestataire conviée pour la première fois à siéger dans un gouvernement en 2013, elle cristallise autour d'elle la méfiance et le rejet que suscite son parti parmi les militants antiracistes et les défenseurs d'une politique d'accueil plus généreuse.
Pour avoir été l'artisan d'un durcissement des conditions d'accueil et de renvoi des déboutés du droit d'asile, pour avoir aussi tenu des propos pouvant être interprétés comme désobligeants envers des étrangers, cette mère de trois enfants, qui a fêté ses 40 ans le 27 décembre 2017, fait figure d'épouvantail. Après les dernières législatives, le Parti chrétien-populaire (centre droit) a refusé de participer à la coalition d'Erna Solberg au motif que Sylvi Listhaug devait y conserver un poste ministériel. La première ministre a envisagé un temps de lui confier un autre portefeuille que celui de l'Immigration et de l'Intégration afin de désarmer les critiques sur un sujet aussi sensible et d'amadouer le centre droit. Elle n'en a finalement rien fait, tant Sylvi Listhaug, de par ses prises de position et sa liberté de ton, arrange les affaires du gouvernement. D'un côté, cette jeune quadragénaire donne de la Norvège, dans les pays d'où viennent les demandeurs d'asile, l'image d'un État peu conciliant vis-à-vis des migrants. De l'autre, sa réputation d'électron libre permet à ses collègues de se démarquer à demi-mot de ses prises de position tout en prenant bien garde de la critiquer publiquement.
Cette répartition des rôles fonctionne également au sein même du Parti du progrès. Sa présidente, Siv Jensen, peut d'autant plus facilement apparaître comme une ministre des Finances responsable et digne de cette fonction que sa camarade Sylvi Listhaug satisfait l'aile anti-immigration et anti-musulmane du parti. Ce courant-là existe bel et bien au sein d'une formation qui s'appuie, par ailleurs, sur une aile ultralibérale, militant pour moins d'État, moins d'impôts et plus de libertés individuelles - des principes auxquels adhère aussi Sylvi Listhaug. À la croisée de ces deux tendances, elle a le profil parfait pour briguer un jour la succession de Siv Jensen, de sept ans son aînée.
Créé en 1977 sur les fondations d'un parti contestataire, anti-élites et anti-impôts (1), le Parti du progrès paraît désormais solidement installé dans le paysage …
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