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République démocratique du Congo : un pays en roue libre

Au coeur de l'Afrique, la République démocratique du Congo, ce pays aux neuf frontières, est en roue libre. Tous les freins institutionnels ont lâché ; les acquis économiques des dernières années se sont évaporés ; et la violence se répand sur de larges fractions du territoire, non seulement dans l'Est, épicentre des conflits depuis deux décennies, mais aussi dans la province du Bas Congo, au Katanga et surtout dans l'immense région du Kasaï. Ces quatre provinces ont plongé dans des affrontements ethniques qui ont déjà fait 1,4 million de déplacés et des milliers de victimes. Les Nations unies, qui ont découvert plus de 80 fosses communes, ont aussi payé leur tribut à la violence. Deux experts chargés d'enquêter sur le terrain, l'Américain Michal Sharp et la Suédoise Zaïda Catalan, ont trouvé la mort dans des circonstances particulièrement répugnantes : après avoir été abattus par des inconnus, ils ont été décapités ! Cet acte de barbarie, filmé et diffusé sur les réseaux sociaux, avait été initialement attribué à des milices tribales. Mais il est apparu par la suite, notamment dans un rapport de la Commission des droits de l'homme de l'ONU et dans un reportage de RFI, que les deux experts - qui s'étaient ouverts de leur projet aux autorités locales - pourraient avoir été victimes d'une embuscade. Ils enquêtaient sur l'exécution, par les services de sécurité ou par les militaires, de centaines de jeunes gens soupçonnés d'appartenir aux groupes armés.

Des débuts encourageants

Pourtant, en 2006, Joseph Kabila, qui avait succédé à son père assassiné en 2001, semblait en mesure de pouvoir tenir ses promesses. Âgé d'à peine trente ans, cet officier taiseux, discret sur ses origines et sur une jeunesse passée en Tanzanie où sa famille s'était réfugiée pour fuir la dictature, n'avait-il pas réussi à mettre fin à la guerre qui avait déchiré le pays depuis la chute du maréchal Mobutu en 1997 (1) ? Le jeune président n'avait-il pas accepté une formule de compromis intégrant à la direction du pays et dans l'armée les formations rebelles, ce qui avait permis la réunification du territoire ? N'avait-il pas promulgué une nouvelle Constitution, adoptée par référendum en 2005, et promis d'entamer une nouvelle « révolution », celle de la modernité ?

Soutenu par la communauté internationale, épaulé par une mission onusienne forte de 20 000 hommes (la Monusco, Mission des Nations unies pour le Congo), largement accepté par une population qui, en dépit de son manque de charisme, voulait donner sa chance à l'homme qui avait rétabli l'unité et promettait la paix, Joseph Kabila ne manquait pas d'atouts. Les résultats engrangés durant la première décennie de son « règne » traduisirent un réel décollage. Dopée par la hausse des cours du cuivre et l'entrée en scène de géants miniers, la croissance de l'économie atteignait les 7 % ; les grandes villes - Kinshasa, Lubumbashi ainsi que les autres capitales de province - étaient peu à peu transformées par les grands travaux d'infrastructures que conduisaient des entreprises chinoises. Ces dernières …