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Après Bouteflika... Bouteflika ?

Affaibli et malade depuis l'AVC qui l'a frappé en 2013, Abdelaziz Bouteflika a défié tous les pronostics médicaux en échappant à la mort. Sa survie contraint l'Algérie à demeurer dans un système politique absurde où chacun attend le décès du président pour enfin concevoir et imaginer des changements. Son élection pour un quatrième mandat de cinq ans, en 2014, avait déjà suscité de nombreuses critiques tant le chef de l'État semblait dans l'incapacité d'assumer ses fonctions. Or voilà que se dessine sa candidature pour un cinquième mandat à la présidentielle de 2019 ! Ses proches affirment qu'il va mieux : « J'ai rencontré la semaine dernière le président Bouteflika. Nous avons discuté pendant une heure. C'est la quatrième fois que je le rencontre cette année. Je le connais depuis plus de trente ans. J'ai constaté qu'il a un grand désir de se représenter pour un cinquième mandat. C'est son droit et nous le soutenons. La Constitution ne l'empêche pas de se représenter. Il faut que le choix des urnes soit respecté », confie Me Ksentini, ex-président de la Commission nationale consultative pour la protection des droits de l'homme (1). Cette présidence à vie frustre pourtant ceux qui espèrent des élections plus concurrentielles (Abdelaziz Belaid (2), Abdallah Saadallah Djaballah (3), Ahmed Benbitour (4), Ali Benflis (5)) et plonge dans une attente insoutenable les successeurs attendus (Ahmed Ouyahia (6), Abdelamalek Sellal (7)). Elle place au premier rang son frère, Saïd Bouteflika, considéré comme l'homme fort, le « vice-roi dans l'ombre » du frère malade (8).
Aux élections législatives de 2017, le Front de libération nationale (FLN) et son allié le Rassemblement national démocratique (RND) ont obtenu la majorité des sièges au Parlement avec respectivement 35 % et 20 % des suffrages. Mais le taux de participation fut très faible : 35 % seulement, encore moins que celui des législatives de 2012, estimé à 43 %. Les partis du gouvernement conservent leur hégémonie sur la scène politique mais celle-ci engendre la défiance de la majorité de la population. Et le maintien à son poste d'un président terriblement affaibli suscite, à l'intérieur et à l'extérieur de l'Algérie, des inquiétudes quant à l'évolution du pays : un rapport publié en février 2017 par le think tank américain American Enterprise Institute souligne, à juste titre, que « l'Algérie est aujourd'hui dans une situation très similaire à la Libye, la Tunisie et l'Égypte en 2010. Avec un chômage des jeunes élevé, un système bancaire corrompu, des programmes de protection sociale insoutenables et une classe dirigeante ossifiée présidée par un dictateur en difficulté, l'Algérie est mûre pour l'effondrement ». La rente pétrolière, qui a longtemps permis à M. Bouteflika de redistribuer à tout vent afin d'entretenir la paix sociale, s'épuise alors que de sérieux rivaux se profilent en Méditerranée orientale (Égypte, Chypre, Israël) pour exporter du gaz (9). Or les besoins du pays demeurent toujours aussi conséquents : l'Algérie importe plus de 70 % de ses besoins alimentaires et les dépenses militaires n'ont que faiblement chuté. Et le …