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Chine-Pakistan : le corridor de tous les espoirs

Le 4 janvier dernier, le département d'État américain annonce le gel de quelque 2 milliards de dollars d'aide militaire au Pakistan. La décision intervient trois jours après un tweet de Donald Trump qui accuse Islamabad d'« abriter les terroristes que [les États-Unis pourchassent] en Afghanistan ».
En dévoilant sa stratégie pour l'Afghanistan en août 2017, le président américain avait énoncé un objectif simple : intensifier les bombardements et les opérations militaires contre les talibans afin de pousser ces derniers à négocier. L'administration américaine semble penser que cette stratégie fonctionnera mieux si Islamabad, de son côté, fait pression sur les insurgés en arrêtant les chefs talibans et leurs alliés du réseau de Sirajuddin Haqqani qui résident sur son territoire. Le gel de l'aide militaire est censé l'encourager dans cette voie.
Seulement voilà : de nombreux officiers supérieurs de l'armée, des hauts fonctionnaires et des intellectuels sont persuadés que leur pays peut se passer du soutien financier américain en s'appuyant sur la Chine. Depuis trois ans, Pékin a lancé au Pakistan une sorte de plan Marshall de plus de 60 milliards de dollars - somme deux fois supérieure à l'assistance financière que les États-Unis ont débloquée entre 2002 et 2016.
Ce programme baptisé « China-Pakistan Economic Corridor » (CPEC) s'inscrit dans le projet « One Belt One Road » (OBOR) qui permettra à la Chine de ressusciter les anciennes routes de la soie. Le CPEC vise à moderniser les infrastructures routières, portuaires, ferroviaires et énergétiques du pays. Il prévoit également d'aménager neuf zones économiques spéciales pour attirer les investisseurs privés et doper les exportations. Les travaux doivent s'étaler jusqu'en 2030.
Le CPEC constitue à l'heure actuelle le tronçon le plus avancé d'OBOR. Sa réussite est cruciale aussi bien pour la Chine que pour le Pakistan. Un échec ferait douter de la capacité de Pékin à mener à bien l'ensemble du projet. Quant à Islamabad, il voit dans l'achèvement du CPEC l'occasion de relancer son économie, plombée par une décennie de guerre contre les talibans pakistanais. Plus prospère, plus sûr de lui, le Pakistan serait en meilleure position pour empêcher l'Inde, sa grande rivale, de devenir une puissance hégémonique en Asie du Sud et dans l'océan Indien.


Des retombées économiques inédites


Le coup d'envoi du CPEC est officialisé en avril 2015 durant la visite du président chinois Xi Jinping à Islamabad. Assis à côté du premier ministre pakistanais Nawaz Sharif, il paraphe cinquante et un protocoles d'accord portant sur une série de grands travaux d'une valeur initiale de 46 milliards de dollars. La plupart des textes sont des accords de financement et de coopération que l'on peut classer en trois volets.
46 milliards de grands travaux
Le premier volet concerne des infrastructures de transport et totalise 11 milliards de dollars de prêts accordés à l'État pakistanais. Le gouvernement chinois finance la création et l'élargissement de trois autoroutes dans le nord, l'est et le sud du pays. À cela s'ajoute la construction d'un aéroport international à Gwadar, au bord de la mer d'Arabie. Une …