Corée du Nord : au-delà de la crise nucléaire

n° 159 - Printemps 2018

Le calme après la tempête ? En tout cas, les nuages qui s'étaient amoncelés sur la péninsule coréenne depuis plusieurs mois semblent se dissiper. Le début de l'année a, en effet, été placé sous le signe non seulement d'une reprise du dialogue intercoréen, mais aussi de négociations directes entre la Corée du Nord et les États-Unis. La participation nord-coréenne aux Jeux olympiques d'hiver de Pyeongchang, les visites bilatérales de haut niveau entre les deux Corées, l'annonce d'un prochain sommet entre Donald Trump et Kim Jong-un ou encore la visite surprise du dirigeant nord-coréen en Chine font l'objet de toutes les attentions.
Si cette reprise du dialogue permet d'éviter à court terme une périlleuse escalade militaire, elle ne met pas pour autant un terme aux tensions de ces derniers mois. Cette troisième crise nucléaire, en effet, n'est pas de même nature que celles qui l'ont précédée au milieu des années 1990 et au début des années 2000, la République populaire démocratique de Corée (RPDC) étant désormais de facto une puissance nucléaire. Par surcroît, elle ne trouve pas son origine dans la rhétorique du président Trump, mais dans le renforcement sans précédent des capacités nucléaires et balistiques du régime nord-coréen - un renforcement qui contribue à modifier la perception américaine de la menace. Dans ce cadre, la dénucléarisation est et doit rester un objectif à long terme de la communauté internationale.
Les États-Unis et leurs partenaires ont progressivement accentué leur stratégie de pression maximale sur la RPDC. Mais cette stratégie n'a pas encore fait la preuve de son efficacité en débouchant sur la signature et, surtout, sur la mise en oeuvre d'un accord menant vers une telle dénucléarisation.
D'où les questions suivantes : qu'est-ce qui pousse la Corée du Nord à accélérer son programme nucléaire et balistique depuis l'arrivée au pouvoir de Kim Jong-un ? Pourquoi les sanctions internationales ont-elles un impact limité ? Quel rôle la Corée du Sud a-t-elle joué dans la réouverture des négociations entre Pyongyang et Washington ? Que faut-il attendre du sommet historique entre les deux pays ?


Des armes devenues plus identitaires que sécuritaires


Répétons-le : depuis que Kim Jong-un est arrivé au pouvoir en 2011, le régime a radicalisé sa position sur les armes nucléaires au point d'en faire un marqueur de l'identité du régime.
Premièrement, le jeune dirigeant a défini dès 2013 des objectifs techniques qui ont été officiellement atteints en 2017 : miniaturiser, alléger, diversifier et augmenter la précision des armes nucléaires. Deuxièmement, le régime a institutionnalisé la possession de ces armes en modifiant la Constitution en 2012 et en présentant le 31 mars 2013 une stratégie nationale, dite « ligne Byungjin », qui vise « à assurer le développement économique tout en dotant le pays de forces armées nucléaires ». Troisièmement, le programme balistique a été considérablement étoffé. Les essais ont été accélérés, les zones de lancement diversifiées, la gamme des missiles testés étendue : en 2017, pour la première fois, le régime a procédé à des tirs de missiles à portée …