Un étrange mélange de colère, d'espoir et de résignation fait tanguer les électeurs mexicains à la veille de l'élection présidentielle du 1er juillet. En 2012, la victoire d'Enrique Peña Nieto avait marqué le retour au pouvoir du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI, centre) qui fut à la tête du pays sans interruption de 1929 à 2000. Ce président, jeune et télégénique, assurait incarner un « nouveau PRI », en rupture avec les pratiques autoritaires, clientélistes et corporatistes de l'ancien parti hégémonique. M. Peña Nieto avait aussi promis d'endiguer la violence des cartels de la drogue. Six ans plus tard, le changement annoncé est entaché par les scandales de corruption et l'insécurité record, principales préoccupations des Mexicains. Leur rejet des partis traditionnels rebat les cartes du plus grand scrutin de l'histoire du pays.
Le 1er juillet, 88 millions d'électeurs sont appelés à élire leur président et à renouveler 3 400 autres mandats locaux et nationaux, dont 500 députés, 128 sénateurs, 8 gouverneurs ainsi que le maire de Mexico. Ces élections seront aussi les plus chères avec un budget de 1,2 milliard d'euros. La campagne n'a officiellement débuté que le 30 mars. Mais le pays était déjà gagné par la fièvre de la présidentielle depuis des mois.
La soif de renouveau des Mexicains profite aux deux principaux candidats de l'opposition : Andres Manuel Lopez Obrador, du Mouvement de régénération nationale (Morena, gauche) et Ricardo Anaya, du Parti action nationale (PAN, droite). Le premier est donné favori par tous les sondages. À 64 ans, celui qu'on surnomme par ses initiales (AMLO) se présente pour la troisième fois consécutive au poste suprême. « Fini la mafia au pouvoir ! », martèle l'ancien maire de Mexico (2000-2005), en campagne depuis plus de douze ans. Adulé par ses partisans, taxé de populiste par ses détracteurs, l'éternel opposant promet de « laver le gouvernement de la corruption, du haut en bas ». AMLO a pris les rênes d'une coalition baptisée « Juntos Haremos Historia » (Ensemble nous ferons l'histoire) aux côtés du Parti des travailleurs (PT, gauche) et du Parti rencontre sociale (PES, chrétien conservateur). Mi-avril, les sondages le créditaient de 35 % à 42 % des intentions de vote, devant Ricardo Anaya (19 % à 27 %) du PAN et José Antonio Meade du PRI (13 % à 22 %).
M. Anaya est la révélation politique de ces dernières années. Ancien député de l'État de Querétaro (centre), ce juriste de 39 ans est sorti de l'anonymat en 2014 lorsqu'il a pris la présidence du PAN et décidé fin 2017 d'enterrer le clivage droite-gauche. Le plus jeune des candidats à la présidentielle a noué une étonnante alliance entre son parti conservateur et deux formations progressistes : le Parti de la révolution démocratique (PRD) et le Mouvement citoyen (MC). Certains le comparent au président français, Emmanuel Macron, d'autres à un Machiavel aux traits juvéniles parvenu à créer la coalition de l'huile et de l'eau. Ce père de trois enfants, féru de yoga, livre une lutte féroce pour la deuxième …
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