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Libye : propositions pour sortir de la crise

De tous les pays arabes qui, au début des années 2010, ont voulu tourner la page des régimes autoritaires, la Libye constitue un cas particulier. La transition libyenne s'inscrit, en effet, dans une « guerre pour la démocratie » aux multiples enjeux économiques et géostratégiques (1). Les suites de l'intervention occidentale de mars 2011, la régression économique et sociale ainsi que la prolifération des milices armées ont rendu cette démocratisation des plus incertaines et discrédité les « révolutionnaires » qui aspiraient pourtant à améliorer le sort des Libyens. La dégradation des conditions de vie a nourri les ressentiments de la population à l'égard du pouvoir, contribuant ainsi au rejet des partis politiques et à une re-tribalisation (2).
La désorganisation de l'économie se double d'une grave crise politique : les institutions de l'État sont divisées, les centres de pouvoir morcelés, le tout sur fond de corruption et de détournement des ressources énergétiques (3). Pendant ce temps, le pays est livré aux milices armées et à Daech (toujours présent dans le sud du pays ainsi que dans certaines parties de la Tripolitaine) sous le regard inquiet de l'Afrique et de l'Europe. À cela s'ajoutent les disparitions quotidiennes, les kidnappings, la torture et les centaines de détentions arbitraires (femmes, hommes et enfants) dans des prisons tenues par les milices armées (4).
Jusqu'à présent, les efforts de la communauté internationale sont restés vains. L'accord politique de 2015 n'a pas permis de créer les conditions d'une sortie de crise. Pas plus que le plan Salamé (du nom du chef de la mission de l'ONU en Libye, nommé en juin 2017) du 20 septembre 2017. Comment en est-on arrivé là? Et, surtout, peut-on encore juguler cette crise ?


Une guerre pour la démocratie aux effets dévastateurs


En dehors des protagonistes trop directement impliqués, nul ne conteste aujourd'hui que la guerre contre le régime de Kadhafi en mars 2011 fut une erreur politique et géostratégique. Le président Macron l'a reconnu solennellement devant l'Assemblée générale des Nations unies le 19 septembre 2017 (5). Tout comme les Britanniques dans un rapport de 2016 (6). Elle le fut parce qu'il aurait fallu, avant d'engager la Libye dans l'aventure, s'assurer qu'il existait une alternative crédible et solide au pouvoir de Kadhafi. La guerre menée par l'Otan sous l'égide de l'ONU avec le soutien de quelques pays occidentaux a détruit l'embryon d'État et rompu le processus interne de changement initié dès 2000 par Seif al-Islam Kadhafi, le fils du Guide (7).
Actuellement, la Libye a deux gouvernements : l'un d'union nationale basé à Tripoli, conduit par Faïez Sarraj et reconnu par la communauté internationale ; l'autre, installé à Tobrouk, issu de la Chambre des représentants (CDR) démocratiquement élue en 2014.
Elle a également deux armées : à Benghazi, l'Armée nationale libyenne, placée sous l'autorité du parlement et du gouvernement de Tobrouk et dirigée par le maréchal Haftar ; et, à Tripoli, la garde présidentielle à la disposition du premier ministre Sarraj. Ces deux armées sont en compétition pour le contrôle du territoire, …