Les Grands de ce monde s'expriment dans

Malaisie : la guerre des chefs

Des élections législatives devraient se tenir en Malaisie d'ici à l'été 2018. Pour de nombreux observateurs - et pour les Malaisiens eux-mêmes -, il s'agit de l'un des scrutins les plus décisifs de l'histoire de la Fédération. Le Barisan Nasional (BN), coalition au pouvoir depuis l'obtention de l'indépendance en 1957 et dirigée par l'actuel premier ministre Najib Razak, fait face à une coalition d'opposition nommée Pakatan Harapan (PH). Or le principal parti du PH, le Parti Pribumi Bersatu Malaysia (PPBM), créé en 2016, est dirigé par l'ancien premier ministre Mahathir Mohammad... qui a longtemps appartenu à la United Malays National Organisation (UMNO), la formation la plus importante du BN ! On assiste donc à une véritable guerre des chefs dont pourrait tirer bénéfice un troisième acteur : le Pan-Malaysian Islamic Party (PAS), de tendance musulmane radicale.
Qu'est-ce qui va se jouer cet été en Malaisie ? Beaucoup, disent les utopistes ; pas grand-chose, répondent les sceptiques. Il est vrai que, depuis de nombreuses années, le jeu politique est verrouillé et la corruption gangrène l'ensemble de la classe politique. La jeunesse paraît désabusée et semble ne pas croire qu'une élection puisse faire évoluer la situation. Dans ce contexte, les législatives ressemblent avant tout à un combat de coqs opposant quelques personnalités... Les citoyens malaisiens sont-ils capables d'impulser de vrais changements ? Les souhaitent-ils seulement ou sont-ils anesthésiés par un niveau de vie qui s'est sensiblement amélioré ces quarante dernières années et qu'ils jugeraient plus précieux qu'un débat d'idées et un libre choix de gouvernement ?
Troisième économie d'Asie du Sud-Est grâce à des services performants, une industrie bien développée et d'abondantes ressources agricoles (notamment l'hévéa et l'huile de palme), la Malaisie pourrait illustrer l'échec de la greffe démocratique ; elle s'éloigne de plus en plus d'un État de droit garantissant une meilleure égalité civile, juridique et politique et s'enfonce dans les méandres d'un autoritarisme mafieux. Les États-Unis de Donald Trump ne s'en préoccupent pas, pas plus que l'Union européenne ; la Chine, en revanche, porte un intérêt élevé à ce pays de 30 millions d'habitants...


La Malaisie est-elle une démocratie ?


A priori, la question ne devrait pas être posée. D'une part, parce que les apparences sont sauves et que tout voyageur en Malaisie ne discernera pas, de prime abord, les signes d'un autoritarisme dur ; s'il y a répression politique, elle est mise en oeuvre de manière insidieuse. D'autre part, parce que, selon la Constitution de 1957, la fédération de Malaisie est une monarchie constitutionnelle élective (le chef de l'État, dont la fonction est protocolaire et identitaire, est un monarque, le Yang Di-Pertuan Agong, élu pour un mandat de cinq ans par la Conférence des sultans malais parmi les membres de celle-ci - actuellement, il s'agit du sultan de l'État de Kelantan), parlementaire et fédérale (1). Le pouvoir législatif est exercé au niveau fédéral par deux assemblées : la Chambre des représentants et le Sénat. Le pouvoir exécutif, pour sa part, est attribué au premier ministre et à ses ministres. …