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Afrique du Sud : une « ère nouvelle » ?

Cyril Ramaphosa pourra-t-il ramener son pays sur le chemin de la prospérité et résorber ses incroyables inégalités sociales ? En tout cas, les défis que va devoir relever le président sud-africain, investi il y a quelques mois, sont énormes. Sous son prédécesseur Jacob Zuma (2009-2018), la corruption est devenue endémique, entraînant une dilapidation colossale du budget, une forte dégradation de la gestion des institutions de l'État et des entreprises publiques, un déclin de l'économie et une aggravation de la pauvreté (1).

Le temps de la « Ramaphoria »

Lors de son premier discours à la nation devant le Parlement, le 16 février 2018, deux jours après la démission forcée de Zuma, M. Ramaphosa a promis une « ère nouvelle ». La presse a parlé de « Ramaphoria » pour qualifier le sentiment d'euphorie né dans la société après son intronisation - une popularité confirmée fin mai par un sondage Ipsos qui révéla que 76 % des citoyens avaient une opinion positive de ses cent premiers jours au pouvoir. Il est vrai que, fort de son parcours impressionnant, le chef de l'État, âgé de 65 ans, a tout de l'homme providentiel. Né à Soweto, il a été successivement activiste pendant ses études de droit ; leader syndical (il a créé en 1982 le syndicat des mineurs, le plus puissant du pays) ; chef des négociations lors de la transition vers les élections démocratiques de 1994 ; co-auteur de la nouvelle Constitution de 1996 ; homme d'affaires prospère de 1996 à 2014 ; et, enfin, vice-président du pays de 2014 jusqu'au 15 février dernier (c'est à ce titre qu'il est devenu président, après la démission de Zuma : rappelons qu'il n'y a pas d'élections présidentielles en Afrique du Sud : le chef de l'État est élu par les députés du nouveau Parlement). Ce jour-là, malgré son appartenance à une petite ethnie du nord du pays (Venda), Ramaphosa accédait finalement au pouvoir, près de deux décennies après que Nelson Mandela avait envisagé d'en faire son successeur (2). Une seule tache d'ombre dans sa biographie : quand il siégeait au conseil d'administration de la société minière Lonmin, il n'a rien fait pour améliorer les conditions de logement déplorables des travailleurs. La frustration des mineurs de fond est l'une des causes de leur grève sauvage de 2012 qui a abouti au « massacre de Marikana » (34 mineurs tués par la police), l'épisode le plus dramatique et le plus affligeant pour l'ANC de la période post-apartheid. Ramaphosa lui-même avait appelé à une intervention de la police, sans en prévoir les conséquences dramatiques. Il a présenté ses excuses l'an dernier.

Pour accéder à la fonction suprême, Ramaphosa a dû composer avec le « camp » Zuma, présent à tous les échelons du pouvoir. Il a été élu de justesse président de l'ANC lors du congrès de décembre 2017 (sur 3 900 délégués, il n'a remporté que 179 voix de plus que la candidate de Zuma à sa succession, son ex-épouse Nkosazana Dlamini-Zuma). S'il l'a emporté, c'est …