Angela Merkel l'a dit clairement lors d'une interview à la chaîne ZDF le 11 février 2018 : non seulement elle compte rester chancelière jusqu'en 2021, date à laquelle sont prévues les prochaines élections législatives en Allemagne, mais elle entend également demeurer jusque-là présidente de l'Union chrétienne-démocrate (CDU), qu'elle dirige depuis 2000 (1). Ceux qui souhaitent la voir prendre une retraite anticipée sont donc prévenus : ils vont devoir patienter.
Chez ses concitoyens, les avis sont pourtant partagés. Certes, Mme Merkel demeure étonnamment populaire pour une dirigeante au pouvoir depuis si longtemps : selon le baromètre politique ARD-Deutschlandtrend réalisé par l'institut Infratest Dimap et publié le 9 mai 2018, 51 % des personnes interrogées se déclarent satisfaites de son travail. Mais après dix-huit ans à la présidence de la CDU et treize à la tête de l'exécutif, l'usure du pouvoir la guette inévitablement. En février 2018, un mois avant que le Bundestag ne la reconduise à la tête du gouvernement pour la quatrième fois, l'institut INSA avait demandé aux Allemands s'ils souhaitaient qu'elle reste chancelière jusqu'en 2021. Seuls 38 % des sondés avaient alors répondu positivement, 47 % préférant qu'elle passe la main en cours de mandat.
Même si la principale intéressée aimerait qu'il en soit autrement, la question de sa succession est donc posée. Personne ou presque n'imagine aujourd'hui que Mme Merkel puisse être candidate à un cinquième mandat. Les relations très difficiles qu'elle entretient avec l'aile droite de sa majorité, à commencer par son ministre de l'Intérieur, le conservateur bavarois Horst Seehofer (CSU), font même dire à certains que la « grande coalition » qu'elle a laborieusement mise en place, en mars 2018, pourrait éclater avant 2021. D'un autre côté, elle a si souvent donné tort à ceux qui annonçaient son départ à court ou à moyen terme que toute prédiction en la matière est nécessairement aventureuse.
Tel est, au fond, le grand paradoxe en cette année 2018 en Allemagne : si tout le monde est à peu près d'accord pour estimer que la fin de l'ère Merkel approche, nul n'est capable d'en deviner le scénario ni d'en pronostiquer l'échéance. Quant aux prétendants à sa succession, aucun ne s'est encore imposé avec une totale évidence. Cela ne veut pas dire que la chancelière n'est pas fragilisée politiquement. Elle l'est, de toute évidence. Mais l'absence d'héritier naturel chez les conservateurs, ajoutée à l'affaiblissement historique du Parti social-démocrate (SPD) et à l'éclatement inédit du paysage politique allemand, joue indiscutablement en sa faveur.
Autorité écornée et majorité fragile
La scène a eu lieu le 14 mars 2018, un peu avant 10 heures. Ce matin-là, Mme Merkel, pantalon noir et veste blanche, a été réélue chancelière fédérale par le Bundestag, sur proposition du président de la République, Frank-Walter Steinmeier, en vertu de l'article 63 de la Constitution. Ce vote aurait pu être une formalité ; il fut, au contraire, une épreuve. Un mois après la signature d'un accord de coalition entre les sociaux-démocrates et les conservateurs, Mme Merkel pouvait, en théorie, compter …
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