Dans son roman Such Is Life (1903) (1), l'écrivain australien Joseph Furphy comparait la façon dont les individus gèrent leur vie à une locomotive lancée sur une voie où de nombreux aiguillages obligent le conducteur à décider sans cesse d'aller à droite ou à gauche bien qu'il ignore ce qui l'attend un peu plus loin. La métaphore vaut aussi pour les pays, sans cesse confrontés à des choix dont on ne sait pas précisément où ils mèneront dans ce monde imprévisible... mais qu'on ne peut pour autant se dispenser d'effectuer. L'Australie se trouve aujourd'hui confrontée à nombre d'alternatives qui pourraient se révéler douloureuses.
Elle est encore tout à la joie d'avoir survolé les Jeux du Commonwealth (4-15 avril) qu'elle organisait à Brisbane, où elle a récolté près de deux fois plus de médailles d'or que son ex-mère patrie la Grande-Bretagne, arrivée en deuxième position (2). Mais l'euphorie ne saurait durer devant la perspective de devoir inévitablement procéder à des choix ingrats. Où le pays doit-il aller pour se donner un avenir qui préservera son unité, sa sécurité et sa prospérité ?
En bonne logique, il faut se demander qui procédera à ces choix. Les électeurs dans leur ensemble (élections, référendum) ou bien les hommes (plus rarement les femmes) politiques qui siègent au Parlement et au gouvernement ? Dans certains cas, ce sont les décisions de pays étrangers, notamment les États-Unis et la Chine, qui détermineront, au moins en partie, la voie que suivra l'Australie.
Les atermoiements de M. Turnbull. Un premier ministre trop passif
Certains dilemmes ont été tranchés par la force des choses, comme la création d'une commission d'enquête (« Royal Commission ») sur les agissements des banques. Le secteur bancaire australien est dominé par quatre grandes institutions (NAB, Westpac, ANZ, Commonwealth Bank) que l'on soupçonnait depuis longtemps de pratiques immorales voire malhonnêtes au détriment de leurs clients. Le Parti travailliste, principale formation de l'opposition, a donc réclamé l'ouverture d'une enquête, bruyamment rejetée dans un premier temps par le gouvernement qui accusait les Travaillistes d'être hostiles par principe au monde des affaires : selon la thèse que l'équipe au pouvoir a longtemps défendue, le secteur faisait déjà l'objet de contrôles suffisamment efficaces. Mais la multiplication des scandales et le soutien du Parti national, allié des Libéraux au sein de la coalition, ont forcé la main au premier ministre Malcolm Turnbull (3). La commission d'enquête fut donc créée en décembre 2017. Dotée de vrais pouvoirs d'investigation, elle a mis en lumière de nombreuses pratiques très répréhensibles qui devraient déboucher sur des sanctions substantielles. On l'aura compris : faute de réactivité suffisante, le gouvernement a fait le jeu de l'opposition.
D'autres dilemmes ont fini par trouver leur solution : c'est le cas du mariage pour tous, fortement contesté par les milieux religieux. Après le succès du « plébiscite » (4) qui, fin 2017, avait passablement divisé le pays, le mariage pour tous a enfin été légalisé. Sur ce point encore, Turnbull a donné l'impression d'être incapable de prendre les initiatives qu'on …
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