Le 4 mars 2018, un homme d'âge mûr et une jeune femme sont retrouvés inanimés sur un banc public de Salisbury, petite ville du sud-ouest de l'Angleterre. Les Britanniques découvrent bientôt que les victimes, un ancien agent double russe, Sergueï Skripal, et sa fille ont été victimes d'un empoisonnement par une substance chimique innervante du nom de Novitchok. En l'espace de quelques mois, cette affaire, qui donne lieu au plus grand chassé-croisé de diplomates jamais vu depuis la fin de la guerre froide, va être interprétée par bon nombre de journalistes occidentaux comme le « grand retour des espions » sur la scène internationale. Mais l'ont-ils un jour vraiment quittée ?
Le renseignement après la chute du Mur
Près de trente ans après l'effondrement du bloc soviétique, les services que l'on dit secrets occupent une place de choix non seulement dans le monde de la fiction au travers de séries télévisées à succès comme Homeland, The Americans ou encore Le Bureau des légendes, mais aussi dans le concert des nations. Dans le jargon post-guerre froide, on ne parle presque plus d'espions ou d'espionnage, d'ailleurs, mais de « renseignement ». Le mot est assurément moins sulfureux. Il traduit surtout une profonde évolution du métier et son élévation au rang de politique publique. Dans notre pays, la consécration de la place et du rôle du renseignement est venue tardivement. Il aura fallu attendre le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 pour que les pouvoirs publics voient en lui - au travers de la connaissance et des capacités d'anticipation qui le caractérisent - un impératif de notre stratégie de défense et de sécurité nationale. Indispensable, le renseignement l'est devenu parce qu'il « sert autant à la prise de décision politique et stratégique qu'à la planification et à la conduite des opérations au niveau tactique. Au-delà, il éclaire notre politique étrangère et notre politique économique » (Livre blanc de 2013).
Omniprésent, incontournable, le monde du renseignement a connu ces dernières années, et plus précisément depuis le début du XXIe siècle, de profondes mutations. Il a dû s'adapter aux nouvelles menaces du temps, en particulier au terrorisme international qui s'étend bien au-delà de l'« arc de crise » traditionnel allant de la Mauritanie au Pakistan pour toucher désormais de nombreux pays considérés comme « sûrs », à l'instar de la Russie, la Belgique, l'Allemagne, le Royaume-Uni ou la France. La lutte contre cette nouvelle menace mobilise toujours plus d'hommes et de moyens, mettant les services de renseignement du monde entier en première ligne. Mais elle n'a pas vraiment bouleversé la nature de leurs activités ni le métier d'agent de renseignement.
Il en va tout autrement de la révolution technologique permanente qui produit des effets depuis quelques décennies. Car à peine sommes-nous sortis de la Troisième révolution industrielle, qui s'est appuyée sur l'électronique et les technologies de l'information que nous voilà plongés au coeur de la Quatrième - celle du numérique. Cette Quatrième révolution, plus imperceptible que les trois précédentes, est …
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