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Israël : la paix malgré tout

Membre du Likoud, le parti du premier ministre Benjamin Netanyahou, et président depuis mars 2013 de la Knesset, le Parlement israélien, Yuli-Yoel Edelstein est né en 1958 à Tchernivtsi, dans l'actuelle Ukraine. En 1979, sa première demande d'immigration a été refusée par les autorités soviétiques. Devenu « refuznik » - le terme qui désignait à l'époque les Juifs soviétiques à qui l'URSS refusait l'exil -, il a été condamné en 1984 aux travaux forcés pendant trois ans pour « détention de drogue » - une accusation montée de toutes pièces par les autorités qui lui reprochaient en réalité d'avoir clandestinement enseigné l'hébreu. Après avoir rejoint Israël en 1987, il a fondé avec l'ancien dissident soviétique Nathan Chtcharanski le parti Yisrael Ba Aliyah qui, plus tard, se fondra dans le Likoud.

Yuli-Yoel Edelstein a gravi très vite les échelons de la politique israélienne. Élu à la Knesset en 1996, il a détenu plusieurs portefeuilles dans les divers gouvernements Netanyahou. Aujourd'hui, il est l'un des personnages les plus importants de l'État. Les spécialistes le considèrent comme une garantie de modération dans une vie politique israélienne de plus en plus polarisée. Il représente, dit-on, la « voix de la concorde » qui cherche à calmer le jeu et à favoriser un consensus entre les différents partis. Face à un premier ministre qui s'est radicalisé au cours de ces dernières années, sa relative sobriété et ses déclarations en faveur de la paix l'ont rendu populaire auprès de l'opinion qui voit en lui un homme responsable. Pratiquant modéré, alors que la plupart des Juifs d'origine soviétique sont laïques, il est également apprécié des croyants. Son nom a, un temps, été évoqué pour succéder à Benjamin Netanyahou ; mais la rumeur en fait plutôt, aujourd'hui, le futur président de l'État...

I. L.

Isabelle Lasserre - Soixante-dix ans après la naissance d'Israël, quelles sont les principales forces et les principales faiblesses du pays ?

Yuli-Yoel Edelstein - Commençons par les succès ! Nous avons réussi à bâtir un pays fort - et cela, pas seulement au niveau militaire mais, aussi, au niveau économique. Nous avons créé une société d'une grande stabilité, si bien que, aujourd'hui, personne ne qualifie plus Israël de « pays qui n'existe pas » ! Ce n'était pas forcément le cas au moment de la naissance de l'État... Nous sommes connus dans le monde entier pour nos performances économiques, je vous l'ai dit, et aussi pour nos réussites en matière d'innovation. Mais, surtout, Israël est une démocratie. La seule de la région. Malgré les guerres, nombreuses, que nous avons traversées, malgré les menaces qui pèsent sur notre pays depuis sa création, nous n'avons pas dévié de notre route, nous n'avons jamais abandonné notre but principal : le développement démocratique.

L'envers du décor, car il y en a toujours un, notre principal échec, c'est de ne pas avoir su faire la paix avec tous nos voisins. Il existe cependant une lueur d'espoir. Nos relations avec l'Égypte et avec la Jordanie sont stables. Et nous nous sommes rapprochés de l'Arabie saoudite et des Émirats arabes unis depuis que ces pays ont compris qu'Israël fait partie de la solution et non pas du problème. Cela dit, la route est encore longue avant que l'on puisse envisager une normalisation de nos relations. L'autre déception concerne les relations israélo-palestiniennes. Les négociations sont à ce point bloquées qu'il n'est pas réaliste d'envisager qu'un accord de paix soit conclu prochainement ni même que le processus politique puisse reprendre. En attendant, nous devons apprendre à coopérer, en particulier pour améliorer le niveau de vie des Palestiniens. Il nous faut pousser cette coopération le plus loin possible.

I. L. - Quel est le principal péril qui pèse aujourd'hui sur Israël, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur ?

Y.-Y. E. - Israël fait face à une seule menace existentielle : l'Iran. Ni le Hamas ni le Hezbollah - le bras armé de l'Iran dans la région - ne mettent notre existence même en danger. Bien sûr, nous sommes contraints d'utiliser la force en permanence contre ces organisations et d'investir sans cesse dans des innovations technologiques afin de les combattre, qu'il s'agisse de développer des armes nouvelles pour détruire leurs tunnels ou de renforcer notre système de défense anti-aérienne mobile, le Dôme de fer. Mais ces groupes ne sont pas assez puissants pour anéantir notre pays. En revanche, si l'Iran devait un jour acquérir la bombe nucléaire, ce serait un désastre absolu pour Israël. Même s'il ne s'en servait pas, le seul fait qu'il posséderait l'arme atomique lui permettrait de fournir un parapluie sécuritaire à toutes les organisations terroristes et malfaisantes de la région. La menace iranienne n'est pas le fruit de notre imagination ! Il est indispensable que chacun en prenne pleinement conscience. Un Iran disposant de l'arme nucléaire ne déstabiliserait …