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Italie : le triomphe du populisme

Le vendredi 1er juin 2018 restera dans l'Histoire comme le jour où le premier gouvernement populiste d'Europe occidentale a prêté serment devant le président de la République italienne. Cette cérémonie était le point d'aboutissement de 88 jours de combats d'une violence rarement égalée entre les deux forces arrivées en tête aux élections du 4 mars : la Ligue de Matteo Salvini (extrême droite) et le « Mouvement Cinq Étoiles » (M5S) de Luigi Di Maio (antisystème).

Grâce à son sang-froid et à sa détermination, le président Sergio Mattarella a évité au dernier moment un retour aux urnes qui n'aurait fait qu'accentuer les déséquilibres apparus lors du scrutin précédent et plongé le pays dans une crise de confiance durable.

Peu avant 22 heures, le chef de l'État prenait congé des journalistes présents dans la salle de presse en lâchant : « Ainsi se conclut un itinéraire complexe. » Un euphémisme tout à fait dans le style sobre du président, rigoureux gardien du « Temple » qu'est la Constitution de 1947. Plus tard, Sergio Mattarella soulignera qu'il a, pendant cette période de trois mois, « défendu les pouvoirs conférés par la Constitution au chef de l'État, protégé l'épargne des Italiens et respecté le vote des électeurs du 4 mars ». Au palais du Quirinal, la jubilation des deux dirigeants populistes, Matteo Salvini (45 ans) de la Ligue et Luigi Di Maio (32 ans) du M5S, lors de leur prestation de serment, était visible. Leurs mines réjouies en disaient long sur le soulagement qu'ils éprouvaient à l'idée d'avoir créé une rupture aussi radicale avec le passé.

Il appartient désormais au gouvernement présidé par un juriste de 54 ans originaire des Pouilles (sud de l'Italie), Giuseppe Conte, totalement novice en politique, professeur de droit privé à l'université de Florence, de mettre en application le « pacte » conclu le 17 mai entre les deux leaders, nommés vice-présidents du Conseil. Passé les affrontements entre les deux formations, chacun des dix-neuf ministres - huit du Mouvement Cinq Étoiles, six de la Ligue et cinq techniciens - devra mettre en oeuvre sans tarder ce qui n'était jusqu'ici qu'un catalogue de promesses électorales. On se demande comment ils parviendront à engager des réformes aussi difficilement conciliables sur le plan financier que l'allégement des impôts (« flat tax ») promis par la Ligue, le « revenu de citoyenneté » cher au M5S et l'abolition particulièrement onéreuse des lois sur le travail et sur les retraites sans mettre en danger les finances publiques, déjà lourdement grevées par le deuxième déficit public de la zone euro (131,5 % du PIB). Sans parler de la brutale politique anti-immigration que Matteo Salvini, à la fois vice-président du Conseil et ministre de l'Intérieur, a immédiatement mise en oeuvre. Ce qui a arraché ce cri du coeur au directeur du quotidien La Repubblica Mario Calabresi : « Attachez vos ceintures ! » Son éditorial du 2 juin témoigne de son indignation : « On ne peut pas parler de jour normal quand le plus réactionnaire …