Voilà un demi-siècle que, dans leur majorité, les observateurs de la vie politique internationale considèrent l'Europe perdue pour Israël, tout comme l'État hébreu l'avait été pour la France à la fin des années 1950. Pis : le Vieux Continent serait devenu - sous l'influence d'opinions publiques de plus en plus favorables à la cause palestinienne, d'une part ; d'une prise de distance avec les États-Unis, d'autre part - une entité indifférente, critique, voire ouvertement hostile (1). L'éloignement chronologique de la Shoah et l'augmentation du nombre de migrants d'origine musulmane accentueraient cette désaffection. Les réactions de la plupart des chefs d'État et de gouvernement lors du sanglant épisode de la « marche du retour » du Hamas comme à l'occasion du transfert de l'ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem confirmeraient cette hypothèse (2).
Or il apparaît, au contraire, qu'un nombre croissant d'États se sont rapprochés d'Israël, parfois de façon spectaculaire, sur les plans non seulement scientifique, culturel et diplomatique mais également militaire. Le phénomène est d'autant plus intéressant qu'il se produit alors que le processus de paix est inexistant et que les gouvernements israéliens sont très majoritairement à dominante nationaliste.
Les années 1970 : la décennie horribilis
Au fond, l'Europe des années 1950-1960 n'avait pas été particulièrement prodigue en armes, en matériels, en prêts et autres soutiens diplomatiques. Tout l'est du continent était communiste et, par conséquent, aligné sur les gouvernements nationalistes à force tendance socialiste de Syrie et d'Égypte. Quant à l'ouest de l'Europe, tout juste remis de la ruine de 1940-1945, il n'avait ni la volonté ni les moyens de soutenir à bout de bras un État alors pas même réellement proche de Washington. Seule la France - pendant une décennie seulement (1956-1967) et d'abord en raison du soutien de Nasser au Front de libération nationale (FLN) algérien - consentit à vendre à Israël des matériels stratégiques, à commencer par des chasseurs-bombardiers et un réacteur nucléaire, Londres se contentant de l'approvisionner en blindés. En revanche, la décennie suivante marquera un véritable désastre pour les relations Israël-Europe.
Avec la France, la rupture est alors d'autant plus notoire qu'avait été chaleureuse la relation bilatérale. Sa dimension gaullienne spectaculaire - embargo sur les armes de mai 1967, suivi de la petite phrase controversée lors de la conférence de presse du 27 novembre de la même année - aggrave le sentiment d'abandon du côté israélien (3). Dans cet esprit, en octobre 1973, tandis que la guerre du Kippour bat son plein et que Tsahal est en grande difficulté, le Portugal de Caetano est le seul pays européen à autoriser le survol des avions gros porteurs américains ravitaillant Israël. C'est l'époque où le chancelier autrichien Bruno Kreisky ferme le centre d'accueil et de transit pour Refuzniks (Juifs fuyant l'URSS pour Israël) sous la pression de la Ligue arabe ; où le ministre des Affaires étrangères Michel Jobert tient des propos outrancièrement anti-israéliens en pleine attaque syro-égyptienne contre Israël (4) ; où Georges Pompidou fournit à Mouammar Kadhafi une flotte aérienne de combat (1972) ; …
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