À l'issue du premier mandat de la socialiste Michelle Bachelet (2006-2010), Sebastian Piñera devenait le premier président chilien de droite élu à la loyale depuis plus d'un demi-siècle et le premier à interrompre vingt années de gouvernement de centre gauche. Au pouvoir de 2010 à 2014, M. Piñera, malgré sa popularité, n'a pas pu être reconduit dans ses fonctions car la Constitution chilienne interdit à une même personnalité de briguer deux mandats consécutifs. Mme Bachelet en a profité pour se faire élire une nouvelle fois (2014-2018). Quatre ans plus tard, nouveau retournement de situation : Sebastian Piñera redevient président pour un second mandat (2018-2022).
Businessman fortuné, partisan affirmé d'une économie de marché très libre, ce grand francophile - sa famille a longtemps vécu en France, et son père est né à Paris - révèle dans cet entretien exclusif ses ambitieux projets pour son pays. S'il parvient à mettre en oeuvre les réformes qu'il appelle de ses voeux et si, cette fois, la gauche ne revient pas aux affaires à la fin de son mandat pour défaire ce qu'il a accompli, le Chili, affirme-t-il, voguera vers la prospérité...
Politique Internationale - Monsieur le Président, avec le recul, quel bilan faites-vous de votre premier mandat ?
Sebastian Piñera - Ce premier mandat m'a beaucoup appris. La meilleure recette pour apprendre à devenir un bon président, c'est d'avoir déjà été un bon président ; et la meilleure université pour apprendre à devenir un bon président, c'est la Moneda, le siège de la présidence du Chili !
N'oubliez pas que je suis entré en fonctions dix jours seulement après qu'un séisme épouvantable, le cinquième plus puissant de toute l'histoire de l'humanité, a frappé mon pays. Le premier avait déjà eu lieu au Chili, le deuxième en Alaska, le troisième à Sumatra et le quatrième au Kamtchatka. Ma première mission fut donc de reconstruire. La dévastation était partout. D'innombrables écoles, hôpitaux et ponts étaient en ruine. Et, dans le même temps, mon équipe et moi-même devions honorer nos promesses de campagne et mettre en oeuvre notre programme de gouvernement - un programme extrêmement ambitieux. La tâche était donc très compliquée. Et pourtant, nous avons réussi : nous sommes parvenus à rebâtir le pays tout en relançant l'économie. La croissance est revenue (elle a été de 5,6 % par an en moyenne pendant mon mandat), les investissements et la productivité ont augmenté, et la pauvreté a été réduite de moitié. Au moment où j'ai quitté la Moneda, en 2014, le pays avait retrouvé un dynamisme qu'il allait rapidement perdre sous le gouvernement suivant. À présent que nous sommes revenus aux affaires, nous devons, une fois de plus, remettre le Chili sur les bons rails.
P. I. - De quelle décision prise pendant votre premier mandat êtes-vous le plus fier ?
S. P. - La première chose qui me vient à l'esprit, c'est le sauvetage des 33 mineurs bloqués sous terre (1). Ce fut un moment incroyablement émouvant. L'ensemble du pays s'était mobilisé. Comme si, au-delà même de la vie des 33 mineurs, la vie de chaque Chilien était en jeu...
P. I. - Un moment de grande solidarité...
S. P. - De solidarité, de foi, de travail en équipe... Et, au final, ce qui avait commencé comme une tragédie s'est terminé comme une bénédiction !
P. I. - Si vous pouviez revenir en arrière, y a-t-il des choses que vous feriez différemment ?
S. P. - Bien sûr. Vous savez, j'aime beaucoup la chanson d'Édith Piaf « Je ne regrette rien » ; pour autant, je n'en ferais pas ma devise ! Tout être humain commet des erreurs, mais seules les personnes intelligentes sont capables de s'en rendre compte et d'en tirer les leçons.
P. I. - Concrètement, quel enseignement essentiel tirez-vous de votre premier mandat ?
S. P. - J'ai pris conscience que, lorsqu'on est à la barre, on ne peut pas perdre la moindre seconde. Ainsi, c'est en grande partie grâce à notre rapidité de réaction que nous avons réussi à retrouver et à secourir les mineurs pris au piège. Dès que nous avons eu connaissance de l'effondrement de la …
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