Les Grands de ce monde s'expriment dans

France-Allemagne : de la réconciliation à l'attractivité

Le 22 janvier 1963, le traité de l'Élysée signé par le général de Gaulle et le chancelier Konrad Adenauer consacrait avec une intelligence rare la réconciliation - Versöhnung - de nos deux pays. La construction d'une amitié aussi étroite et aussi durable entre des ennemis jadis irréconciliables compte peu d'équivalents dans le monde. Cette alliance n'a pas seulement servi à panser les plaies du passé ; elle a posé les bases d'un monde nouveau et rendu possible la construction européenne.

Un projet européen en crise

Sur les ruines de la Seconde Guerre mondiale s'édifie une réalité nouvelle, portée par des Européens convaincus, attachés au rétablissement de la paix, de la liberté et des valeurs constitutives de la civilisation que les fascismes avaient engloutie. Cette reconstruction politique, économique mais aussi spirituelle d'une Europe en ruine n'est possible qu'à une condition : la réconciliation entre la France et l'Allemagne. Dès 1950, Robert Schuman l'exprimait très justement dans son discours de l'Horloge : « Le rassemblement des nations européennes exige que l'opposition séculaire de la France et de l'Allemagne soit éliminée. »

Le rassemblement des peuples d'Europe qu'a permis la réconciliation franco-allemande est une réalisation historique, mais cette construction traverse actuellement la plus grave crise de son histoire. Les effets toujours présents de la crise de 2008 et l'essoufflement du modèle économique européen, l'essor des revendications régionalistes et le choc du Brexit, les menaces aux frontières et des flux migratoires d'une ampleur inconnue depuis la dernière guerre poussent les citoyens européens vers des alternatives souverainistes, populistes ou extrémistes.

Les menaces qui pèsent sur l'Europe ne sont pas seulement endogènes. Le retour sur la scène internationale d'une Russie et d'une Turquie toujours plus agressives, la volonté de la Chine de devenir la première puissance mondiale en 2050 et le désengagement continu des Américains sur la scène internationale dessinent les contours d'un monde nouveau dans lequel l'Occident peine à trouver sa place.

Nous assistons à la mue des États-Unis, qui débouchera bientôt sur un nouveau positionnement stratégique de Washington pour le siècle en cours. L'Union européenne, quant à elle, doit faire l'objet d'une modernisation profonde, ne serait-ce que pour répondre aux interpellations et aux attaques qu'elle essuie quotidiennement. L'Europe ressemble de plus en plus à l'Ange de l'histoire décrit par Walter Benjamin : « Pris dans une tempête, il est poussé vers un avenir auquel il tourne le dos, alors que devant lui les ruines s'accumulent jusqu'au ciel. » Le moment est critique pour l'Union européenne, et la responsabilité des gouvernements français et allemands, à cet égard, historique.

À l'heure où l'on envisage un nouveau traité d'alliance qui doit redéfinir la coopération entre la France et l'Allemagne, le choix est simple : soit un deal franco-allemand ambitieux, conquérant et visionnaire, susceptible d'entraîner ultérieurement d'autres nations européennes est mis en place ; soit on assiste à la disparition pure et simple de l'Union européenne telle qu'elle a été conçue. L'Europe ne peut s'affirmer comme un pôle d'influence mondial sans un axe franco-allemand fort qui en est …