Chisinau surprend le visiteur par son charme provincial. Au coeur de cette capitale aux rues étroites et aux maisons de moins de trois étages, un petit hôtel particulier de la seconde moitié du XIXe siècle est devenu l'un des bureaux du président de la République. Les poêles en céramique y sont bien conservés, le jardin, agréable et le personnel, aimable. Voilà qui tranche avec le mélange coutumier de grandeur kitsch et de sévérité que l'on rencontre dans d'autres administrations présidentielles de l'espace post-soviétique, de Moscou à Erevan. Quand Igor Dodon, 43 ans, apparaît par une porte de la salle de réception, c'est le sourire aux lèvres et le teint hâlé. Depuis son accession aux responsabilités le 23 décembre 2016, il préside, dans ce petit bâtiment accueillant, aux destinées d'une importante plaque tectonique de la géopolitique européenne.
Le pays n'est pas grand : 33 846 km2, soit à peine plus que la Belgique, pour une population de moins de 3 millions d'habitants. Pourtant la Moldavie est choyée - parfois à outrance - par l'Union européenne et convoitée par la Russie. Elle panse encore les séquelles de la dislocation de l'URSS en 1991 et se cherche une voie propre face à son pays-frère, la Roumanie (1). Sur sa frontière Est, elle doit apaiser les inquiétudes sécuritaires d'une Ukraine déchirée par la guerre. Sans oublier l'épineux dossier de la Transnistrie, ce territoire sécessionniste, détaché de facto du pays depuis les affrontements de 1990-1992 (2) et tenté par un rattachement à la Russie (3). Autant de problèmes et de défis qu'Igor Dodon entend saisir à bras-le-corps pendant son mandat qui court jusqu'en décembre 2020.
Mais, pour ce faire, il lui faut gagner les prochaines élections législatives. Dans la république parlementaire qu'est la Moldavie, le président est souvent réduit à un rôle symbolique. Pour qu'Igor Dodon puisse réellement gouverner, son Parti des socialistes (4) doit remporter un nombre appréciable des 101 sièges du Parlamentul (Parlement) au scrutin du 24 février 2019. Ce serait l'occasion, pour le chef de l'État, de prendre une belle revanche sur ses adversaires politiques, une large alliance de formations libérales arrivée au pouvoir en avril 2009 à la faveur de protestations populaires contre le Parti communiste, alors indéboulonnable. Igor Dodon était à l'époque ministre de l'Économie du gouvernement communiste. Regroupés sous l'étendard pro-européen, ces partis libéraux ont été souvent accusés de ne guère oeuvrer pour l'intégration européenne, d'entretenir un système oligarchique de non-droit et d'encourager un climat de corruption généralisée. Pour ne citer qu'un exemple, la disparition, en 2014, d'un milliard de dollars de trois banques nationales avait provoqué un scandale retentissant (5).
Discrédités, ces partis prétendument pro-européens se sont déchirés entre eux. La majorité n'est aujourd'hui composée que du seul Parti démocratique, présidé par l'oligarque le plus puissant du pays, Vladimir Plahotniuc. L'homme, l'accusent ses détracteurs, aurait usé de méthodes douteuses pour constituer sa fortune. Il aurait recours à des procédés tout aussi peu recommandables dans sa pratique politique : mise au pas de la justice, contrôle des organes de …
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