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Pyongyang-Séoul : les illusions de la détente

 

À l'est, du nouveau !

La Corée est réputée pour ses smartphones, son cinéma d'auteur, sa cuisine relevée et, plus tristement, pour sa division en deux soeurs ennemies. Mais elle est aussi une grande pourvoyeuse de clichés. Longtemps chantée comme le « Pays du matin calme » vivant en « royaume ermite » (1), elle se serait soudainement transformée en antichambre de l'enfer : enfer de la guerre de Corée (1950-1953), enfer concentrationnaire au Nord contre enfer hyper-capitaliste au Sud (2). Et, depuis cette année, tout aurait à nouveau changé. « Coup de théâtre » pour les uns, « miracle » pour les plus optimistes, l'enfer aurait laissé la place au paradis, du moins à l'espoir, à la réconciliation, voire à la paix.

Hier encore, à coups de tirs balistiques et d'essais nucléaires (3), Kim Jong-un, l'Attila de Pyongyang, brandissait la menace d'une guerre thermonucléaire. Mais depuis ses voeux du 1er janvier 2018 où il proposait à Séoul de renouer le dialogue, le tyranneau dodu se serait métamorphosé en dirigeant responsable, pour ne pas dire sympathique, n'ayant d'autres ambitions que de restaurer la sérénité en Asie du Nord-Est et de rassurer l'opinion internationale.

De fait, après avoir rencontré son homologue sud-coréen Moon Jae-in à deux reprises sur la DMZ (4), le 17 avril et le 26 mai, il s'est envolé pour Singapour le 12 juin pour un sommet aussi inattendu que médiatisé avec le président américain Donald Trump. Puis, du 18 au 21 septembre, il a reçu le président Moon en grande pompe à Pyongyang, en attendant de se rendre à son tour à Séoul - ce qui serait une première - et, si le projet n'est pas reporté sine die, de retrouver à nouveau Donald Trump.

Friands de sensations fortes, les médias de la planète ont aussitôt célébré ce « tournant historique », oubliant un peu vite que les deux Corées n'en sont pas à leur première détente. En fait, depuis la guerre de Corée, celle-ci est au moins la troisième. En juillet 1972, portées par le dialogue entre les États-Unis, la Russie et la Chine (5), les deux gouvernements coréens se sont rencontrés pour débattre du projet de Kim Il-sung visant à instaurer une confédération. En décembre 1991, alors que l'URSS vivait ses derniers jours, le Nord et le Sud ont signé un traité de non-agression et même de dénucléarisation, lancé une série de coopérations économiques portées par le trust Hyundai et branché un téléphone rouge entre leurs deux capitales. Enfin, en juin 2000, le sommet de Pyongyang entre Kim Jong-il, qui régnait alors au Nord, et Kim Dae-jung, le président du Sud, suscita un immense espoir, que les attentats du 11 Septembre et la montée de la menace terroriste n'ont pas permis de concrétiser (6). En d'autres termes, le climat de détente qui s'est instauré durant ces derniers mois n'est pas radicalement nouveau et laisse même craindre un revirement soudain de la part de Pyongyang ou de Washington.

Pour autant, ne boudons pas notre plaisir. Voilà …