« Nous voulons le plus rapidement possible réduire à zéro les exportations pétrolières de l'Iran. » Ce 12 mars 2019, à Houston, Mike Pompeo affiche la couleur. Le secrétaire d'État de Donald Trump a choisi la conférence annuelle de la CERA Week (Cambridge Energy Research Associates), qui réunit la fine fleur de l'industrie pétrolière, pour délivrer son message.
« Nous n'exportons pas seulement notre énergie, affirmait-il. Nous exportons aussi notre système de valeurs commerciales vers nos amis et nos partenaires. En facilitant l'investissement, en établissant des partenariats et en punissant ceux qui contournent le système, comme l'Iran et le Venezuela (...), nous garantirons la sécurité énergétique de l'Amérique, de ses partenaires et de ses alliés. » Les sanctions, les embargos, l'extraterritorialité du droit américain sont aussi un moyen d'assurer cette domination énergétique et d'inciter les acheteurs - à commencer par les Européens - à privilégier l'alliance avec les États-Unis. Car l'Iran et le Venezuela ne sont pas les seuls États dans le collimateur du secrétaire d'État. Au-delà, ce sont bel et bien la Russie et la Chine qui sont visées.
La stratégie Obama
À vrai dire, Mike Pompeo et Donald Trump n'ont rien inventé. Ils reprennent à leur compte la stratégie, initiée dès 2009, par Barack Obama et sa secrétaire d'État Hillary Clinton. Certes, le langage est aujourd'hui plus cru, moins diplomatique. Brutal même. Les contingences environnementales ne sont pas le fort d'une équipe Trump largement sous influence du lobby pétrolier. Son premier secrétaire d'État, Rex Tillerson, était le patron d'Exxon. Mike Pompeo, son successeur, est lui aussi du sérail. Il a présidé, de 2006 à 2010, Sentry International, l'un des grands équipementiers pétroliers américains. Le retrait de l'accord de Paris sur le climat, la dénonciation de l'accord nucléaire avec l'Iran, la montée des sanctions contre la Russie, le bras de fer commercial avec Pékin et les frictions en mer de Chine, les menaces d'intervention au Venezuela : toutes ces initiatives participent en réalité d'une stratégie qui a fait de l'énergie le pilier du redéploiement américain.
Au lendemain de la faillite de Lehman Brothers, en 2008, Washington découvre, en pleine crise financière et économique, les ambitions chinoises dans la haute technologie et celles de la Russie dans le domaine énergétique. Pour relancer l'économie américaine, réduire le déficit commercial, s'affranchir des importations d'hydrocarbures et maintenir la prééminence des États-Unis, l'administration Obama négocie alors un virage stratégique majeur. Elle mise sur l'exploitation du gaz et du pétrole de schiste pour faire du pays le leader mondial de l'énergie au XXIe siècle. Il s'agit de couper l'herbe sous le pied de la Russie de Poutine et de disposer d'un moyen de pression sur une Chine énergivore qui dépendra encore longtemps des importations de gaz et de pétrole.
Le pétrole a toujours été au coeur de la politique américaine. L'exploitation d'un sous-sol riche en hydrocarbures a fait la fortune de bien des familles américaines au Texas et autour du golfe du Mexique. Pendant des décennies, les États-Unis seront autosuffisants. Au début des années 1960, …
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