Deux ans après avoir été limogé de son poste de conseiller spécial à la Maison-Blanche, l'architecte de la victoire de Donald Trump à la présidentielle de 2016 s'est reconverti dans l'animation d'un immense réseau d'organisations et d'associations conservatrices aux États-Unis comme en Europe. Âgé de 65 ans, cet idéologue décomplexé de l'alt-right américaine financée par les fortunes de plusieurs mécènes ultraconservateurs se réjouit des nombreux succès que le message populiste a connus depuis plusieurs années : victoire de Donald Trump contre Hillary Clinton, référendum sur le Brexit, bons résultats de l'extrême droite lors des élections européennes de mai dernier, présence de dirigeants considérés comme populistes en Italie, en Hongrie, voire en Pologne et en Russie...
Steve Bannon assure que ce combat ne fait que commencer car il en va, selon lui, de la survie même d'un Occident menacé à la fois par le mondialisme du « parti de Davos », par le rouleau compresseur chinois et par l'islamisme des pays sunnites du Moyen-Orient. Sur ce dernier point, toutefois, il reste assez laconique, refusant de s'exprimer davantage. On devine qu'il préfère ne pas développer son argumentaire tant que le bras de fer avec l'Iran est en cours et que le plan de paix israélo-palestinien, sur lequel Jared Kushner, gendre et conseiller du président travaille depuis plus d'un an, n'a pas été officiellement présenté à toutes les parties et, en particulier, à l'allié saoudien.
Cet entretien a commencé à Paris à la veille des élections européennes et s'est poursuivi à l'occasion de plusieurs échanges ultérieurs.
F. C.
François Clemenceau - Comment analysez-vous les résultats complets des élections européennes et, notamment, la percée des Verts et des centristes libéraux, grands pourfendeurs des partis populistes que vous soutenez à travers toute l'Europe ? Quelle leçon Donald Trump devrait-il en tirer pour ce qui concerne sa relation à l'UE ?
Steve Bannon - Ce scrutin est une grande victoire pour le mouvement populiste, nationaliste et souverainiste. Il confirme le retournement que vivent actuellement trois des plus grandes nations européennes. En Italie, Matteo Salvini pourrait bien devenir le prochain premier ministre (1). Nigel Farage a obtenu un succès retentissant au Royaume-Uni (2). Et en France, je remarque que le parti de Marine Le Pen est en tête devant celui d'Emmanuel Macron. Il est vrai que les Verts ont réalisé une très bonne performance, mais les centristes, eux, n'ont pas réussi à attirer le gros des troupes de droite et de gauche. Ceux qui ont déserté les deux grands partis conservateur et social-démocrate se sont tournés vers des mouvements plus radicaux. Donald Trump, quant à lui, n'en est qu'au tout début de sa relation avec les Européens, qu'il ne traite collectivement que lorsqu'ils sont membres de l'Otan. Sur le plan commercial, il a décidé de prendre son temps pour obtenir un accord qui soit juste et réciproque. En tout cas, pour ce qui touche aux relations bilatérales, je crois qu'il veut sincèrement avoir les meilleures relations du monde avec chacun des pays de l'UE.
F. C. - …
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