Quand Juan Guaido devient président de l'Assemblée nationale vénézuélienne le 5 janvier 2019, il passe inaperçu. Cet ingénieur de 35 ans a été élu parce que la plupart des personnalités de son parti, Voluntad Popular, sont soit en prison, soit en exil, soit réfugiées dans une ambassade. Le costume semble un peu grand pour lui, d'autant que Nicolas Maduro prête serment pour un second mandat de président de la République le 10 janvier, à l'issue d'une élection contestée par l'opposition. Mais, rapidement, le jeune homme de 35 ans d'origine modeste va incarner l'espoir de l'opposition vénézuélienne et d'une grande partie de la population, fatiguée par la crise politique, sociale et économique que le gouvernement de Nicolas Maduro semble incapable d'endiguer. Avec son faux air de Barack Obama, il fait preuve d'un courage et d'une force de conviction hors du commun. Estimant que Nicolas Maduro est un usurpateur, il se proclame président intérimaire et est reconnu par plus de 50 pays. Ses meetings attirent des foules immenses et enthousiastes. Ce qui explique que Maduro, face à cette extraordinaire notoriété nationale et internationale bâtie en quelques semaines, n'ose pas le faire arrêter.
Les échecs de Guaido ne font que renforcer sa détermination ; par exemple, lorsque, le 23 février, il est refoulé à la frontière colombienne avec toute l'aide humanitaire qu'il voulait acheminer dans son pays ou lorsque, le 30 avril, son appel au soulèvement militaire n'a pas l'effet escompté. Malgré ces ratés, Juan Guaido est sûr de sa capacité à « en finir avec l'usurpation » et à remettre sur pied un pays qui souffre depuis de trop nombreuses années.
P. B.
Patrick Bèle - Le 30 avril 2019, vous avez appelé à un soulèvement général de l'armée, sans grand succès. Pourquoi cet échec, selon vous ?
Juan Guaido - Le 21 janvier 2019, une garnison entière du quartier de Cotiza, à Caracas, s'est soulevée. La répression a été brutale. Le 23 février, des militaires sont venus nous rejoindre à Cucuta en Colombie, non loin de la frontière, là où l'aide humanitaire est bloquée. Comme vous le savez, le gouvernement de Maduro s'est opposé à l'entrée de cette aide sur le territoire vénézuélien alors que le pays souffre, que les malades chroniques n'ont plus accès à leur traitement et que les enfants meurent dans les hôpitaux faute de soins. Et le 30 avril, plusieurs dizaines de militaires se sont ralliés à nous. Il y a un mécontentement évident au sein de l'armée comme dans tout le Venezuela. Ce n'est pas une opinion, c'est un fait.
Quoi qu'il en soit, le 30 avril a marqué pour le régime une véritable rupture car les événements qui se sont produits ce jour-là ont montré que le gouvernement ne se maintenait au pouvoir que par la peur qu'il génère. C'est d'ailleurs bien la seule chose qu'il ait réussi à produire depuis quatre ans. Pour la société civile, le 30 avril a fixé un cap, car il est clair que les forces armées joueront un rôle central dans la transition, ne serait-ce que pour des raisons sécuritaires.
P. B. - Qu'est-ce qui a manqué pour que ce soulèvement général ait lieu ?
J. G. - À l'évidence, il a manqué une plus grande adhésion de la part des militaires. Mais il faut préciser une chose : nous ne les appelions pas à se rallier à une personne ; nous les exhortions à défendre la Constitution dont ils sont théoriquement les garants. Aujourd'hui, le régime a compris que les forces armées commençaient à douter et il ne compte plus sur elles pour assurer sa survie. Quand Nicolas Maduro affirme qu'il y a 500 soldats cubains au Venezuela, ce n'est pas innocent. Il entend par là envoyer un message aux militaires : « Attention, on vous a à l'oeil ! » Ces mises en garde participent du climat de terreur instauré par le pouvoir en place.
P. B. - Certains expliquent l'échec du 30 avril par le fait que vous auriez anticipé d'une journée l'appel au soulèvement et que certains hauts responsables chavistes - le ministre des Armées, le président du Conseil supérieur de la magistrature... - auraient du coup renoncé à vous soutenir. Ce changement de dernière minute aurait altéré la confiance qu'ils pouvaient avoir en vous.
J. G. - Sous une dictature, le gouvernement se plaît à colporter ce genre de rumeurs. Ce qui est sûr, c'est que les médias ont presque totalement disparu. La plupart des journaux ont cessé de paraître, des centaines de radios ont dû fermer, toutes les chaînes de télévision sont contrôlées par le pouvoir. CNN, par exemple, a vu sa diffusion suspendue. …
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