Et si le principal danger qui menace les Balkans n'était pas le retour des nationalismes, la résurgence de vieux contentieux territoriaux non réglés ou le blocage de l'intégration européenne, mais l'effondrement démographique ? Tous les pays de la région - qu'ils soient membres de l'UE comme la Bulgarie, la Croatie et la Roumanie, seulement candidats comme l'Albanie, la Macédoine du Nord, le Monténégro, la Serbie et la Bosnie-Herzégovine, ou candidats putatifs comme le Kosovo et la Moldavie - sont confrontés à ce même défi, conjonction d'une natalité en berne et d'une augmentation constante des départs vers l'étranger. Des zones entières de Bulgarie, de Macédoine, de Serbie ou de Bosnie-Herzégovine sont en voie rapide de désertification, ce qui pose déjà de graves problèmes : comment y maintenir des infrastructures et des services publics alors que rien ne permet d'imaginer une inversion de tendance ? Certains gouvernements tentent bien de mettre en place des politiques natalistes, mais sans succès jusqu'ici. Et toutes les enquêtes d'opinion indiquent que la volonté de s'exiler ne cesse de croître, spécialement chez les jeunes générations.
Des chiffres parlants
Partir, tout le monde en rêve. Selon une enquête récente, 83,7 % des étudiants de Macédoine du Nord souhaiteraient quitter leur pays, 8,3 % « hésiteraient » et seuls 7,9 % seraient déterminés à y rester (1). D'après une autre étude, conduite en Serbie à l'automne 2018, 34 % des jeunes âgés de 18 à 34 ans espèrent émigrer (2). Et 367 000 ressortissants albanais, soit près de 14 % de la population totale du pays, ont participé l'année dernière à la loterie permettant d'obtenir la « Green Card », le permis de séjour aux États-Unis. Un pourcentage unique en Europe - à l'échelle mondiale, l'Albanie n'est dépassée que par la Libye et la Sierra Leone (3). Le nombre d'aspirants à l'émigration au pays de l'Oncle Sam y a triplé en cinq ans : 123 000 personnes « seulement » avaient tenté leur chance en 2013.
Selon l'Office des statistiques du Kosovo, entre 2013 et 2017, 170 000 personnes, soit presque 10 % de l'ensemble, auraient quitté le petit pays (4). À la chute du communisme, en 1989, la population de la Bulgarie était de quelque 10 millions d'habitants ; elle est aujourd'hui estimée à 7 millions et, à en croire les prévisions des Nations unies (5), elle pourrait chuter à 5,4 millions en 2050 et à 3,8 millions en 2100. Selon ces mêmes projections, d'ici à la fin du siècle, la Croatie pourrait passer de 4 à 2,3 millions d'habitants et la Roumanie perdre 40 % de ses 19 millions de citoyens. Certaines zones - dans le nord-ouest de la Bulgarie, dans l'est de la Serbie, dans le nord de la Croatie, en Bosnie-Herzégovine et dans le nord du Monténégro - sont déjà en train de se transformer en véritables déserts. Appauvris, les États des Balkans n'arrivent plus à assurer les services publics de base - les écoles, les dispensaires de santé, etc. - qui maintenaient autrefois un …
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