Décidément, les élections européennes ne réussissent guère aux leaders italiens qui les remportent. En 2014, Matteo Renzi avait obtenu 40,8 % des voix - un résultat jamais égalé par sa formation, le parti Démocrate. Trente mois plus tard, les Italiens rejetaient le référendum constitutionnel convoqué par le fougueux président du Conseil, le contraignant le 6 décembre 2016 à se démettre de ses fonctions.
Le scénario se répète en 2019, avec le souverainiste Matteo Salvini qui totalise 9 millions de suffrages aux élections européennes du 26 mai 2019 - le meilleur score de tous les partis d'Europe. Enivré par cette victoire, il a voulu rompre la coalition populiste qu'il avait formée un an auparavant avec le mouvement Cinq Étoiles (antisystème) et provoquer des élections législatives anticipées. Une décision qui lui a valu d'être écarté du pouvoir en plein été.
Le pari raté de Matteo Salvini
Deux Matteo, deux destins opposés, deux ruptures. En annonçant le 8 août 2019 au président du Conseil Giuseppe Conte qu'il souhaitait mettre fin à la coalition populiste qui dirigeait le pays depuis le 1er juin 2018, Matteo Salvini a fait un pari extrêmement hasardeux. On se perd en conjectures sur les raisons qui ont conduit le ministre de l'Intérieur et vice-président du Conseil à choisir ce moment. Est-ce l'atmosphère estivale et festive qui régnait sur cette plage à la mode de Milano Marittima, sur la Riviera adriatique, où il s'exhibait torse nu, un verre de mojito à la main, au milieu de danseuses en maillot léopard échancré, incitant la foule des vacanciers à reprendre en choeur avec elles Fratelli d'Italia, l'hymne national ? Depuis les élections européennes, son entourage pressait Matteo Salvini d'abréger le cours de la législature. Pour son plus proche conseiller Gianfranco Giorgetti, il fallait capitaliser sans tarder sur les 34,3 % raflés par la Ligue et se débarrasser des Cinq Étoiles qui faisaient obstacle à ses réformes. Ce mouvement avait perdu la moitié de son électorat en quatorze mois, tombant à 17,07 %. Son jeune leader Luigi Di Maio (33 ans), lui aussi vice-président du Conseil, avait immédiatement reconnu son échec : « Notre résultat n'est pas bon. Les urnes nous infligent une grande leçon. Il faut comprendre et apprendre. » Revers d'autant plus cinglant que le parti Démocrate, son rival, était remonté à 22 % des voix - une performance conforme à son histoire qui le replaçait au deuxième rang des forces politiques.
Pourquoi Matteo Salvini a-t-il temporisé durant tout le mois de juillet ? Pensait-il vraiment faire avancer ses réformes encalminées en Conseil des ministres - l'autonomie demandée par référendum par trois grandes régions du Nord (Vénétie, Lombardie et Émilie-Romagne), la « flat tax », ou encore la refonte des règles de Maastricht que Bruxelles est encore loin de concéder ? A-t-il eu peur des retombées d'une ténébreuse affaire russe de trafic d'influence (1) dans laquelle étaient impliqués des membres de son entourage ? Sans doute, aussi, voulait-il continuer à interdire aux navires humanitaires chargés de migrants recueillis en haute mer …
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