Vue de Londres, de Paris ou de Rome, la vie politique allemande ressemble à un long fleuve tranquille. Au Royaume-Uni, le référendum sur le Brexit, en 2016, a plongé le plus vieux régime parlementaire du monde dans le chaos. En France, les élections présidentielle et législatives de 2017 ont fait entrer la Ve République dans une nouvelle ère, marquée par un renouvellement inédit de l'Assemblée nationale et une marginalisation sans précédent des deux formations qui dominaient jusqu'alors la scène politique, le Parti socialiste à gauche et Les Républicains à droite. En Italie, l'improbable coalition entre le Mouvement Cinq Étoiles et la Ligue, au pouvoir de juin 2018 à septembre 2019, a mis en lumière la profondeur de la crise démocratique que traverse le pays, qui a été dirigé pour la première fois depuis la guerre par un gouvernement ouvertement antisystème et eurosceptique.
L'Allemagne n'a pas connu de bouleversements comparables. Au contraire. Au moment où plusieurs de leurs voisins choisissaient la rupture, les Allemands, eux, ont refusé l'aventure. La réélection d'Angela Merkel à la chancellerie, en mars 2018, en est le symbole. Certes, celle-ci n'a jamais eu autant de mal à former une coalition. Certes, sa majorité n'a jamais été aussi fragile. Il n'empêche : en ces temps de grands chamboulements politiques, le fait que l'Allemagne soit dirigée par la même femme depuis 2005 est la marque d'une stabilité tout à fait exceptionnelle.
Qu'en sera-t-il dans les prochaines années ? C'est toute la question. Le départ annoncé d'Angela Merkel intervient, en effet, dans un contexte de grande incertitude. D'abord, parce que la date de ce départ n'est pas connue. Ensuite, parce que les dernières élections régionales et européennes, marquées par le fort recul des deux grands partis de gouvernement (CDU-CSU et SPD) et la montée en puissance des Verts et d'Alternative pour l'Allemagne (AfD, extrême droite), sont le signe d'une recomposition en profondeur de la vie politique allemande. Enfin, parce qu'au sein même de la CDU la succession d'Angela Merkel n'est pas véritablement réglée, la nouvelle présidente du parti, Annegret Kramp-Karrenbauer, peinant à s'imposer comme la candidate naturelle de son camp.
Angela Merkel : au pouvoir jusqu'à quand ?
Si tout se passe comme prévu, Angela Merkel quittera le pouvoir après les élections législatives de l'automne 2021. Depuis le début de son quatrième mandat, la question n'en est pas moins régulièrement soulevée : la chancelière tiendra-t-elle jusque-là ou sera-t-elle poussée prématurément vers la sortie ?
Selon les sondages, une forte majorité des électeurs souhaitent qu'Angela Merkel dirige le gouvernement jusqu'à la fin de l'actuelle législature (1). Le problème est que son sort ne dépend pas des enquêtes d'opinion mais des partis qui constituent sa majorité parlementaire. Or l'un d'entre eux, le SPD, pourrait être tenté de basculer dans l'opposition avant 2021. Au risque de condamner la chancelière à une retraite anticipée.
Pour comprendre comment on en est arrivé là, un bref rappel est nécessaire. Au lendemain de la défaite cuisante du SPD aux législatives de septembre 2017 (20,5 % des voix, …
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