Peu de premiers ministres auront fait couler autant d'encre avant même d'accéder au pouvoir. En se présentant pour reprendre les rênes du parti conservateur et donc du gouvernement britannique en juillet 2019, selon cette convention constitutionnelle qui stipule que le leader du parti majoritaire devient premier ministre et qu'un changement de direction est possible chaque année si les circonstances l'exigent, Boris Johnson n'aura pas eu besoin de rappeler son CV aux Britanniques. Sa réputation sulfureuse le précède très largement mais brouille la réalité. Qui est vraiment Boris Johnson ? Même ses biographes n'ont pas de réponse tranchée. Derrière l'image du bouffon et du gaffeur que la presse, notamment française, adore moquer, les multiples facettes du personnage se contredisent. Il est à la fois, lit-on souvent, secret et ouvert, hors norme et traditionnel, élitiste et marginal, libéral et autoritaire, altruiste et méprisant... Ce qui est sûr, c'est que ces multiples contradictions lui permettent d'attirer les soutiens les plus variés. Ce qui est tout aussi sûr, c'est que les simplifications et autres tentatives de stigmatisation sont contre-productives. Elles ne permettent ni de percer le mystère du premier ministre ni de comprendre ses intentions. Elles rendent même un grand service à ce personnage qui a fait de la provocation son fonds de commerce. Dans ces circonstances, il est très difficile de savoir ce que Johnson pense réellement. La seule certitude que nous ayons, c'est qu'il est une girouette imprévisible qui « ne s'encombre pas de fixité idéologique » (1).
La comparaison si facile avec Donald Trump, alimentée par des similitudes aussi bien capillaires que communicationnelles, s'arrête, selon nous, à ces évidences. Car si l'élection du 45e président américain, milliardaire au parfum de scandale tombé presque à son insu dans la marmite républicaine, a surpris tout le monde, à commencer par lui-même, la trajectoire de Boris Johnson, ténor du parti conservateur et pur professionnel de la politique britannique, est loin d'être accidentelle. L'homme manie le franc-parler et la mèche rebelle avec une spontanéité toute relative. Ceux qui le côtoient se plaignent qu'il arrive constamment en retard, donne l'impression de ne maîtriser aucun dossier et de n'avoir jamais rien préparé. Il multiplie les gaffes, les maîtresses et les provocations dans une scénographie en réalité plus méticuleuse qu'il n'y paraît. Car il ne faut pas s'y tromper : Boris Johnson n'est pas le pitre inconsidéré qu'il veut nous faire croire. Son image d'excentrique échevelé à l'allure négligée, indifférent aux détails mais érudit, relève d'une stratégie redoutablement efficace et volontairement désarmante (2) dans la mesure où elle donne une impression de normalité et de convivialité à ses interlocuteurs qui baissent alors la garde quand l'esprit de Johnson reste plus affûté que jamais (3). Le vélo devient l'accessoire incontournable du style bobo, bienveillant et libéral qui a fait sa gloire (4). L'homme cultive cette image avec talent, à une époque qui donne justement la prime à ces leaders politiques excentriques, extrémistes et irrévérencieux dont le « peuple » raffole - des leaders que l'on dit populistes car prêts …
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