« Après le Brexit et cette élection, tout est désormais possible. Un monde s'effondre devant nos yeux. Un vertige. » Le commentaire sur Twitter de Gérard Araud, alors ambassadeur de France à Washington, après la victoire de Donald Trump en novembre 2016, n'était pas passé inaperçu, émanant d'un diplomate en poste (1). Le personnage de Trump, dont l'élection a pris le monde par surprise à l'exception de quelques observateurs avertis (2), bousculait jusqu'aux codes de conduite des acteurs les plus tenus au devoir de réserve.
Que deviendrait l'Amérique dans l'hypothèse où son quarante-cinquième président serait reconduit pour quatre années supplémentaires ? Et, dans le cas contraire, que se passera-t-il ? En matière de politique étrangère, les trois premières années de trumpisme auront été disruptives. Ses détracteurs dépeignent la période comme un moment d'agressivité et d'absence de boussole stratégique, à laquelle s'est substituée l'impulsivité d'un seul homme.
Mais on aurait tort de croire que l'après-Trump se résumera à un simple « retour à la normale ». En cas d'alternance démocrate dès 2020, ou après le départ de Trump en 2024, on peut certes imaginer qu'une ligne plus lisible réapparaîtra, que des excès seront gommés, que des valeurs seront réaffirmées. Reste que, sous la présidence de Donald Trump, l'ordre international aura été fragilisé et, avec lui, les piliers d'une grande stratégie que l'Amérique elle-même avait promue depuis plus d'un demi-siècle.
De quoi le trumpisme est-il le nom ?
On peine à décrire la politique étrangère de Donald Trump, sauf à faire le récit d'un processus décisionnel déroutant (3). Trois séries de questions reviennent toutefois de façon récurrente. La première concerne la remise en cause de la « grande stratégie » américaine qui prévalait depuis 1945 et qui tenait en trois points principaux : 1) entretenir une capacité militaire permettant la projection massive de troupes afin de protéger les intérêts des États-Unis et de leurs alliés, éventuellement sur deux fronts majeurs simultanés ; 2) soutenir les institutions d'une gouvernance mondiale libérale, telles que posées après 1945 (FMI, Banque mondiale, etc.) ; 3) miser sur le multilatéralisme, instrument de dialogue et vecteur d'influence, pour entretenir une clientèle. En bousculant verbalement ses alliés, en ne confirmant pas explicitement son attachement à l'article 5 de l'Otan (4), en exposant ses affinités avec des régimes ou des leaders « illibéraux », en se retirant d'accords que le pays avait pourtant approuvés (COP21, accord sur le nucléaire iranien...), Donald Trump fut soupçonné de saper ces trois piliers.
Deuxième type de questions : Donald Trump prolonge-t-il une tradition de politique étrangère américaine et laquelle ? Incarne-t-il un néo-jacksonisme, près de deux siècles après le président Andrew Jackson (1829-1837) qui promettait de défendre le peuple contre les élites, y compris à l'extérieur (5) ? Reprend-il la tradition hamiltonienne, du nom du secrétaire américain au Trésor (Alexander Hamilton, 1798-1795), qui donnait la priorité aux questions commerciales tout en contestant les principes du libre-échange ? Plus près de nous, évoque-t-il un retour à l'isolationnisme ou plutôt à un nationalisme dur à la …
Ce site est en accès libre. Pour lire la suite, il vous suffit de vous inscrire.
J'ai déjà un compte
M'inscrire
Celui-ci sera votre espace privilégié où vous pourrez consulter à tout moment :
- Historiques de commandes
- Liens vers les revues, articles ou entretiens achetés
- Informations personnelles