Les Grands de ce monde s'expriment dans

Une femme d'avenir

Peu connue du grand public il y a encore deux ans, Annegret Kramp-Karrenbauer est aujourd'hui considérée comme la prétendante la plus probable à la succession d'Angela Merkel à la chancellerie fédérale.

Née le 9 août 1962 à Völklingen, commune de la Sarre située à la frontière française, « AKK » a fait l'essentiel de sa carrière politique dans ce petit Land de l'ouest de l'Allemagne marqué par une riche histoire industrielle. Membre de l'Union chrétienne-démocrate (CDU) depuis l'âge de 19 ans, diplômée de science politique et de droit public, elle est élue en 1999 au parlement de la Sarre et est nommée, dès l'année suivante, ministre régionale de l'Intérieur - première femme à exercer une telle fonction en Allemagne. Ministre de ce Land jusqu'en 2011, cette catholique pratiquante, mère de trois enfants, est chargée de différents portefeuilles (femmes, sports, éducation, culture, travail, affaires sociales) avant d'être élue, en 2011, ministre-présidente de la Sarre. Elle le reste jusqu'en février 2018, date à laquelle elle est élue secrétaire générale de la CDU, autrement dit numéro deux du parti aux côtés d'Angela Merkel. La décision de cette dernière de quitter la présidence de la CDU, huit mois plus tard, la pousse à briguer le poste. Au terme d'une campagne disputée, elle l'emporte à une courte majorité (51,7 %) face à Friedrich Merz, ancien président du groupe parlementaire CDU-CSU au Bundestag (2002-2005), soutenu par l'aile droite du parti et rival historique de Mme Merkel. Le 17 juillet 2019, elle est nommée ministre fédérale de la Défense, succédant à Ursula von der Leyen, élue présidente de la Commission européenne.

T. W.

Thomas Wieder - En novembre 2018, quelques jours après avoir annoncé votre candidature à la présidence de la CDU, vous avez déclaré : « J'ai prouvé que je savais gagner des élections, même dans des conditions très difficiles. » Depuis, vous avez été élue à la tête du parti, mais celui-ci a subi de lourdes pertes électorales. Aux européennes de mai 2019, il n'a recueilli que 28,9 % des voix (-6,4 points par rapport à 2014). Aux régionales de septembre 2019, il a de nouveau fortement reculé en Saxe (32,1 %, -7,3 %) et dans le Brandebourg (15,6 %, -7,4 %). N'avez-vous pas été présomptueuse ?

Annegret Kramp-Karrenbauer - Quand j'ai prononcé cette phrase, je faisais référence à ma propre expérience en tant que tête de liste aux élections régionales de 2017 dans la Sarre. Depuis que j'ai été élue à la présidence de la CDU, il est vrai que nous avons vécu des moments compliqués. Mais aux européennes du 26 mai nous sommes arrivés en première position ; et aux élections régionales en Saxe, le 1er septembre, nous l'avons également emporté grâce à notre très bon candidat, malgré certains pronostics qui donnaient l'AfD en pole position.

T. W. - Certes, mais chaque fois la CDU perd du terrain par rapport aux scrutins précédents. Assumez-vous une part de responsabilité dans ces résultats décevants ?

A. K.-K. - La CDU se trouve dans une situation difficile depuis les législatives de 2017. D'abord, parce que le résultat de ces élections n'a pas été très bon. Ensuite, parce que la formation d'une nouvelle coalition a pris plusieurs mois. Troisièmement, parce que cette période a été marquée par de fortes tensions aussi bien à l'intérieur de la CDU qu'entre la CDU et la CSU. Enfin, parce que nous n'avons pas su répondre à toute une série de questions majeures qui préoccupent de plus en plus nos concitoyens, notamment le changement climatique.

C'est dans ce contexte que j'ai accédé à la présidence de la CDU. Et c'est la raison pour laquelle, dès mon élection, j'ai engagé un travail collectif dont l'objectif est de doter le parti d'un nouveau programme d'ici à la fin de l'année 2020. Que certains se sentent déstabilisés, c'est normal. Qu'un tel processus prenne un peu de temps, c'est également normal. On ne refonde pas le programme d'un grand parti comme la CDU en six mois. Mais je suis absolument convaincue que nous sommes sur la bonne voie.

T. W. - Près d'un an après votre arrivée à la tête du parti, que pensez-vous avoir réussi ?

A. K.-K. - J'ai fait allusion tout à l'heure aux tensions qui existaient à l'intérieur de notre famille politique avant mon élection. Sur ce point, les choses ont vraiment évolué positivement depuis un an. Les positions entre la CDU et la CSU mais aussi à l'intérieur de la CDU se sont considérablement rapprochées, en particulier sur les questions migratoires et climatiques. Pourtant, croyez-moi, ce n'était pas gagné d'avance !

T. W. - Le Parti …