« Vous avez des montres, mais nous avons le temps. » Pour lapidaire qu'elle soit, cette formule d'un taliban afghan adressée à un journaliste américain n'en est pas moins pertinente. Englués depuis dix-huit ans dans un conflit qu'ils n'ont plus aucun espoir de gagner et dont ils veulent sortir au plus vite, les États-Unis ont l'oeil rivé sur le calendrier de leur prochaine élection présidentielle - et cela, d'autant plus que le retrait des dernières troupes américaines d'Afghanistan, soit 8 600 hommes, figurait parmi les promesses de campagne de Donald Trump en 2016 (1).
À l'inverse, les insurgés fondamentalistes, eux, ne sont pas dans la précipitation. Pour un ensemble de raisons : la majorité de leurs combattants n'ont connu que la lutte armée, au point que celle-ci constitue leur mode de vie ; ils n'ont aucun doute sur l'issue du conflit, certains que tôt ou tard la victoire leur reviendra ; par surcroît, ils comprennent que, au vu de leurs dissensions internes, la guerre constitue leur meilleur ferment d'unité. Parvenir à la paix ne constitue pas, pour eux, une nécessité politique aussi impérieuse que pour leur ennemi américain. Mais puisque ce dernier veut à tout prix se retirer d'Afghanistan et souhaite, dans cette perspective, négocier avec eux, et puisque leur protecteur pakistanais les pousse dans cette voie, ils discutent avec les Américains depuis plus d'un an à Doha, la capitale du Qatar. Le fait que l'administration Trump soit aussi désireuse de partir signifie que les talibans ont gagné, du moins la première manche, et qu'ils n'auront bientôt plus en face d'eux que le gouvernement afghan et ses forces aux abois. Ce sera la seconde manche.
L'État afghan est plongé dans un chaos constitutionnel. L'annonce des résultats du premier tour de l'élection présidentielle du 28 septembre - dont les deux principaux candidats étaient le président sortant Achraf Ghani et son rival le premier ministre Abdallah Abdallah - a d'abord été reportée à plusieurs reprises, dans un contexte marqué par les accusations mutuelles de fraude entre les deux camps. La Commission électorale a fini par publier des résultats préliminaires le 22 décembre, soit près de trois mois après le scrutin : M. Ghani serait réélu avec un peu plus de 50 % de voix (évitant donc un second tour), M. Abdallah n'en récoltant que 39,5 %. Ce dernier a immédiatement déclaré qu'il ne reconnaissait pas sa défaite : « La commission électorale s'est malheureusement rangée du côté des fraudeurs. Il ne fait aucun doute que nous sommes les gagnants de l'élection sur la base des véritables votes du peuple. » De son côté, l'ambassadeur américain à Kaboul, John Bass, a rappelé sur Twitter qu'il ne fallait pas considérer que la cause était entendue : « Ces résultats sont préliminaires. Il reste de nombreuses étapes à franchir avant que les résultats finaux soient certifiés, pour s'assurer que les Afghans ont vraiment confiance dans le processus électoral. » On l'aura compris : cette interminable séquence politique n'est pas encore terminée, loin de là.
L'élection …
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