HONG KONG:L'ANNÉE DE TOUS LES DANGERS

n° 166 - Hiver 2020


« Rassurez-vous. On continuera à jouer en Bourse, à danser et à parier sur les courses de chevaux. » C'est en ces mots que, lors d'une rencontre à Pékin en 1987, Deng Xiaoping expliqua aux membres hongkongais du comité pour la rédaction de la Loi fondamentale la formule « un pays, deux systèmes » (1).
Aujourd'hui, on danse et on joue en Bourse à Shanghai ou à Shenzhen juste de l'autre côté de la frontière, mais les événements des derniers mois ont montré que cela ne suffit pas à rapprocher la Chine de Hong Kong.
Depuis toujours, les communistes chinois pensent que Hong Kong est une « cité économique », en d'autres termes que les habitants de ce territoire revenu à Pékin en 1997 après 146 ans de colonisation britannique ne pensent qu'à gagner de l'argent et que, par conséquent, toutes les crises qui l'affectent peuvent être résolues par des mesures économiques.
Ce malentendu les empêche de comprendre ce qui s'y passe. Les immenses manifestations qui ont mobilisé des millions de personnes et se poursuivent depuis plus de six mois ont apporté un démenti cinglant à la vision de Pékin : les habitants de Hong Kong ont bel et bien des revendications politiques. Et ce n'est pas nouveau.
Au cours des négociations qui ont abouti à la signature de la déclaration conjointe sino-britannique de 1984 et jusqu'à l'adoption de la Loi fondamentale (mini-constitution du territoire) en 1990, les dirigeants chinois ont consulté les habitants de Hong Kong qui accusaient le Royaume-Uni de les avoir abandonnés. Ils leur ont fait un certain nombre de promesses quant à leur participation au système politique. La déclaration conjointe sino-britannique affirmait que les Hongkongais gouverneraient le territoire « avec un haut degré d'autonomie » pendant cinquante ans (2). La Loi fondamentale garantissait, en outre, le maintien d'un système judiciaire indépendant et précisait que la nouvelle Région administrative spéciale (RAS) s'orienterait à terme vers un système démocratique. Ainsi, son article 45 stipule que « l'objectif ultime est la sélection du chef de l'exécutif au suffrage universel parmi des candidats désignés par un comité de nomination largement représentatif en conformité avec les procédures démocratiques ».
Immixtions de Pékin et arrogance du gouvernement
Après la rétrocession, les habitants de Hong Kong se sont mobilisés pour défendre et améliorer le système politique.
En 2003, plus de 500 000 personnes sont descendues dans la rue pour s'élever contre l'adoption de l'article 23 de la Loi fondamentale qui réprimait la subversion. Cet article apparaissait comme une remise en question des libertés promises par la Chine. Le gouvernement a alors suspendu sa mise en oeuvre, et le chef de l'exécutif Tung Chee-hwa a démissionné en 2005.
Lorsqu'en 2012 le gouvernement de la RAS a tenté d'introduire des cours d'« éducation patriotique » dans les écoles, les élèves, soutenus par leurs parents, s'y sont opposés et le projet a été enterré au lendemain d'une manifestation qui avait réuni plus de 100 000 personnes.
En 2014, la décision du comité permanent de l'Assemblée populaire …