Les Grands de ce monde s'expriment dans

L'HOMME DE L'APRÈS-JOHNSON ?

Dans le paysage politique britannique actuel, extrêmement polarisé, Rory Stewart fait un peu figure d'extraterrestre. Son parcours est fascinant. Sur le papier, ce pur produit de l'establishment britannique dispose de tous les attributs du parfait dirigeant politique - certains le verraient même s'installer, un jour, au 10, Downing Street. Né en 1973 à Hong Kong, fils de diplomate, il a été élevé dans les meilleurs pensionnats anglais, dont le très sélect Eton, puis fut étudiant en histoire, en économie et en philosophie à Oxford. À cette époque, il a exercé la fonction de tuteur pour les jeunes princes William, deuxième dans l'ordre de succession au trône, et son jeune frère Harry, alors étudiants à Eton.

Mais l'homme est également un véritable aventurier. Entré dans la carrière diplomatique - comme son père avant lui - à la fin de ses études et juste après un bref passage dans l'armée, il a été en poste en Indonésie en 1998 (au moment de la chute sanglante du régime de Suharto) avant d'être chargé, l'année suivante, d'ouvrir et de diriger la première représentation britannique au Monténégro (lors de la campagne de l'Otan au Kosovo voisin). Ces expériences mouvementées ne lui suffisent pas : en 2001, en quête de sensations fortes, il décide d'effectuer... une longue marche de l'Iran à la Birmanie ! Le 11 septembre de cette année-là, jour des attentats de New York et de Washington, il se trouve au Népal. Comprenant que c'est en Afghanistan, où les talibans offrent l'abri à Oussama Ben Laden et à Al-Qaïda, que la grande Histoire va s'écrire, il change d'itinéraire et décide de rallier Kaboul, où il arrivera à pied depuis Herat, dans l'ouest du pays. De ce périple de 36 jours il tire un ouvrage remarquable, En Afghanistan, qui deviendra un best-seller au Royaume-Uni et aux États-Unis. C'est une expérience qui, dit-il souvent, a « transformé [sa] vie». Il y a mesuré « le gouffre entre la réalité des villages et celle de la diplomatie ».

Deux ans plus tard, on le retrouve en Irak, quand la coalition internationale renverse le régime de Saddam Hussein. Il a à peine 30 ans mais se voit attribuer des responsabilités importantes puisqu'il est nommé vice-gouverneur des provinces de Maysan puis de Dhi Qar dans le Sud-Est irakien. Lui qui avait dans un premier temps soutenu l'intervention en Irak finit par faire le constat qu'il est impossible d'imposer la démocratie par la force. Il quitte la diplomatie et retourne en Afghanistan, où il dirige une ONG (qui se consacre notamment à restaurer le centre historique de Kaboul), avant de partir enseigner les droits de l'homme à Harvard.

En 2010, il revient enfin sur ses terres ancestrales où il se fait élire député conservateur de la circonscription de Penrith and The Border, à la frontière entre l'Angleterre et l'Écosse. Partisan du maintien au sein de l'Union européenne au moment du référendum du 23 juin 2016, il est aujourd'hui favorable au Brexit, par respect de la volonté populaire. Adepte du compromis, …