De Nuremberg à la Cour pénale internationale
La ville de Nuremberg, en Allemagne, évoquera toujours un symbole de justice. Après la Seconde Guerre mondiale, le procès des principaux dignitaires nazis vint prouver que les responsables du génocide juif ne resteraient pas impunis. Le tribunal de Nuremberg, qui appliqua des droits procéduraux rudimentaires, incarna en fait une justice de vainqueurs qui n'hésita pas à requérir et à appliquer la peine de mort. Ce procès n'en fut pas moins fondateur dans la mesure où il posa le principe juridique d'une responsabilité pénale individuelle pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité, y compris envers les plus hauts dirigeants politiques et militaires.
Dans les années qui suivirent, l'espoir que cette jurisprudence historique permette de juger d'autres responsables politiques et militaires, auteurs de massacres civils, fut entravé par la réalité politique de la guerre froide. Cette grande hibernation du droit pénal international dura plus de quarante ans, jusqu'à la chute du mur de Berlin. Puis les années 1990 marquent un tournant : de 1992 à 2002 plusieurs tribunaux internationaux voient le jour pour juger, à la place des tribunaux locaux, des crimes de masse intervenus dans des zones géographiques bien délimitées et circonscrits dans le temps. Ces tribunaux, de nature temporaire, furent individuellement et spécifiquement mis en place pour juger les crimes commis en ex-Yougoslavie, au Rwanda, en Sierra Leone et au Cambodge (1).
Cette multiplication de tribunaux ad hoc fut déterminante dans l'émergence d'une juridiction pénale permanente, au champ d'action international. Le statut de Rome, adopté en 1998 et ratifié alors par 60 États, aboutit à la création de la Cour pénale internationale (CPI) en 2002. L'article 5 du statut de Rome indique que « la compétence de la Cour est limitée aux crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale : le crime de génocide ; les crimes contre l'humanité ; les crimes de guerre ; le crime d'agression ». Établie à La Haye, la CPI compte aujourd'hui 122 États membres.
Il est difficile de relater à sa juste mesure le mouvement d'enthousiasme et d'espoir qui a accompagné la naissance de la CPI. Au coup de marteau final de la conférence de Rome, le 17 juillet 1998, « les gens pleuraient, s'embrassaient, montaient sur les tables », raconte Philippe Kirsch, président de cette conférence (2). Quatre ans plus tard, le 18 juillet 2002 - date officielle de l'établissement de la CPI - le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, déclare quant à lui se réjouir de l'existence de cette cour, « un cadeau d'espoir transmis aux générations futures et un immense progrès accompli dans la marche vers l'avènement universel des droits de l'homme et de l'État de droit ».
Fonder de telles attentes sur une seule institution judiciaire était évidemment excessif. Déjà à l'époque, cet enthousiasme fut tempéré par le principe de réalité : un tribunal, fût-il permanent, fût-il efficace, ne pourrait juger à lui seul tous les crimes de masse perpétrés sur la planète. Reconnaissant cette réalité, …
Ce site est en accès libre. Pour lire la suite, il vous suffit de vous inscrire.
J'ai déjà un compte
M'inscrire
Celui-ci sera votre espace privilégié où vous pourrez consulter à tout moment :
- Historiques de commandes
- Liens vers les revues, articles ou entretiens achetés
- Informations personnelles