Le désert n’est jamais désertique. L’aire saharo-sahélienne illustre de manière saisissante ce paradoxe bien connu. Djihadistes, groupes séparatistes touaregs, milices d’auto-défense au Mali et au Burkina Faso, trafiquants en tous genres : vaste comme l’Union européenne, la zone où interviennent les soldats français de l’opération « Barkhane » est parcourue d’hommes en armes. Cette profusion, qui rime avec confusion, complique singulièrement la tâche des troupes gouvernementales et internationales qui combattent des groupes qualifiés de « terroristes » et tentent de stabiliser cette vaste région située au sud de la Méditerranée. C’est, en tout cas, la mission assignée à plus de 5 000 militaires français, quelque 11 000 Casques bleus de la Minusma (Mission des Nations unies au Mali) et environ 5 000 soldats du G5-Sahel, une coalition de pays censés unir leurs forces pour atteindre cet objectif (1).
Ces forces internationales sont aux prises avec une véritable nébuleuse islamo-terroriste aux contours mouvants. Cette nébuleuse se compose de plusieurs groupes armés dont les effectifs sont, par nature, difficiles à évaluer. Car, dans ce désert, les forces régionales, les Casques bleus et les soldats français de Barkhane ne font pas face à des armées classiques, mais bien à des petits groupes très mobiles d’individus en civil. Ils se camouflent au sein des populations pour mieux se rassembler ensuite et mener des attaques éclairs contre des positions tenues par les militaires locaux, avant de s’évanouir à nouveau dans les sables du Sahel. D’après les estimations occidentales, le noyau dur de ces groupes — les « idéologues » — comprendrait plusieurs centaines d’hommes, pas plus, à la tête de « quelques milliers » de combattants (sans doute autour de 10 000), des recrues qui ont pris les armes pour des raisons diverses (2).
Ces quelques milliers de combattants, qui disposent au mieux des armes légères qu’ils ont dérobées aux forces locales lors d’assauts victorieux, tiendraient donc tête à une coalition internationale équipée de drones, de photos satellites, de moyens de transport et de transmission infiniment supérieurs ? Le paradoxe n’est qu’apparent. Ces groupes armés évoluent dans leur élément, ne se fixent pas de limite dans le temps pour l’emporter et ont un but clair : chasser les « croisés » français (ou autres) et leurs « complices » au pouvoir à Bamako, Niamey ou Ouagadougou. Leur dessein ? Substituer au système de valeurs hérité de la colonisation un autre système, fondé sur un islam rigoriste.
Qui est qui ? Qui fait quoi ? Qui sont les véritables terroristes et qui sont les autres, ceux qui recourent à la violence pour défendre leur territoire ou protéger leurs lucratives activités illicites ? L’identification de l’adversaire (ou plutôt des adversaires) est un enjeu crucial dans la lutte qui se joue actuellement au Sahel. La réponse à cette interrogation conditionne, en effet, la stratégie que les gouvernements en place, soutenus par des puissances étrangères, entendent mettre en œuvre dans cette crise, et sa réussite sur le long terme.
Or, pour certains observateurs attentifs, cette guerre serait d’ores et …
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