L’horizon de la succession
Acte I - Le limogeage de Medvedev et l’annonce des amendements
à la Constitution
Commençons par le fil des événements. Le 15 janvier 2020, coup de tonnerre : le président Poutine annonce simultanément le limogeage du premier ministre Dmitri Medvedev et l’introduction dans la Constitution de nouveaux amendements. Il est notamment prévu : l’instauration d’un Conseil d’État nommé par le président, qui comprendra les gouverneurs, les ministres et les préfets de région ; des garanties sociales (le revenu minimum et les retraites ne pourront pas être inférieurs au seuil de pauvreté, et les pensions seront indexées sur l’inflation) ; le droit pour le Parlement d’approuver la nomination du chef de gouvernement proposée par le président (auparavant il n’était que consulté) et celle des ministres. La révision permet également d’inscrire dans la Constitution des articles qui sont autant de marqueurs conservateurs : foi en Dieu, mariage réservé aux hétérosexuels, enseignement patriotique.
Une fois débarrassés de leur emballage propagandiste, les amendements apparaissent pour ce qu’ils sont : un moyen d’accroître plus encore le pouvoir déjà exorbitant du président, lequel pourra désormais nommer et révoquer à sa guise les juges au Conseil constitutionnel et à la Cour suprême ainsi que les responsables des siloviki (1) dans les régions. Dès lors, les spéculations vont bon train : au terme de son mandat, Poutine pourrait rester dans les coulisses, à la tête d’un Conseil d’État qui concentrerait l’essentiel des pouvoirs. Les amendements devaient être soumis à référendum quelques jours avant les cérémonies de commémoration de la victoire de 1945, au cours desquelles Poutine, entouré des principaux leaders mondiaux, tel le khan tatare au milieu de ses vassaux, aurait savouré une grandiose apothéose.
Acte II - La présidence à vie
Même un leader choyé par la fortune comme l’a été Poutine depuis vingt ans finit par connaître l’inconstance des choses de ce monde. Ce beau scénario vole en éclats sous l’effet de deux chocs imprévus. Alors que l’OPEP propose d’associer Moscou à une réduction supplémentaire de la production ayant pour objectif de stabiliser les cours du pétrole déjà impactés par la propagation du coronavirus, Igor Setchine, le patron du géant Rosneft, ancien du KGB et proche de Vladimir Poutine, a une idée en tête : il veut maintenir un pétrole bon marché afin de ruiner les producteurs américains de pétrole de schiste. Le 1er mars, le Kremlin rejette l’offre de l’OPEP — une décision qui entraîne une riposte immédiate de la part des Saoudiens. Riyad annonce une baisse du prix du baril et une hausse de 25 % de sa production à partir du 1er avril. Résultat : les prix chutent de 43,7 % en mars. Au même moment, la pandémie de Covid-19 progresse à vive allure en Russie. Il ne reste plus rien du scénario riant de janvier. Poutine va alors improviser. Théoriquement, le nombre de mandats présidentiels est limité à deux. Mais, le 10 mars, sur proposition de la députée Terechkova, il est décidé d’annuler ses mandats précédents afin de remettre les compteurs à zéro et de lui permettre de se faire réélire jusqu’en 2036. Plus tard, …
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