Le gardien des secrets d’Israël

n° 169 - Automne 2020

Le ministère du Renseignement est chargé de coordonner et de superviser les opérations les plus confidentielles et les plus sensibles de l’État d’Israël. Créé en 2007, ce poste de confiance est toujours revenu à un proche de Benyamin Netanyahou. Ceux qui travaillent avec ce « proche » sont d’anciens ou d’actuels membres du Mossad, du Shabbak (services de renseignements intérieurs) ou encore des Renseignements militaires. Mais le ministre en charge de ce portefeuille, lui, ne vient pas de ce monde-là. 

Eli Cohen, 47 ans, est député Likoud, ancien ministre de l’Économie et de l’Industrie et membre du cabinet restreint de sécurité. Il a hérité de ce ministère en mai 2020 et a suivi de près les négociations menées par le premier ministre et le chef du Mossad en vue de l’accord de paix signé avec les Émirats arabes unis et Bahreïn. Des négociations qui se poursuivent avec d’autres dirigeants arabes et pourraient déboucher bientôt sur de nouveaux accords. 

M. D.

Myriam Danan — Après les Émirats arabes unis, Bahreïn a signé un accord de paix avec Israël. D’autres accords sont-ils attendus ?

Eli Cohen — Oui. Bahreïn, les Émirats arabes unis et d’autres pays dans la région, que je ne citerai pas pour le moment ont compris qu’Israël est un partenaire, pas un ennemi. Nous pouvons apporter beaucoup à chacun de ces pays, dans le domaine économique et sécuritaire. Je dois, une fois de plus, remercier les États-Unis pour leurs efforts dans ce processus de normalisation des relations entre Israël et les pays arabes. Un processus qui a fait un bond en avant ces derniers mois. 

M. D. — L’accord avec les Émirats est-il un tournant historique et l’esquisse d’un nouveau Moyen-Orient ou une fragile alliance de circonstance ?

E. C. — C’est un accord comme on en signe un par génération, un événement historique qui doit être apprécié comme tel. C’est le troisième traité signé avec un pays arabe depuis la création de l’État d’Israël (1), mais celui-ci a quand même certaines spécificités. D’abord, ce n’est pas techniquement un « accord de paix » puisque nous n’étions pas formellement en guerre avec les Émirats arabes unis, qui sont d’ailleurs un pays encore plus jeune que nous. Ensuite, parce que les EAU ne sont pas un pays frontalier avec lequel nous avions un conflit de type territorial. Ce qui nous a rapprochés, ce sont des amis, des ennemis, et toute une plateforme d’intérêts communs. C’est un accord inédit qui se concrétisera par des contrats économiques, militaires et scientifiques ; mais le cœur et l’idée moteur de cet accord, c’est « la paix contre la paix ». 

Si c’est arrivé, c’est grâce à une prise de conscience progressive de la part des pays du Golfe — parmi lesquels les Émirats arabes unis auront été les premiers à reconnaître publiquement la nécessité d’ouvrir une nouvelle page dans nos relations. Parce que, voyez-vous, l’ennemi numéro un n’est ni Israël ni les États-Unis, mais l’Iran. Ce n’est pas la création d’un État sioniste il y a 72 ans qui a déséquilibré la région, mais la …