Dès son arrivée au pouvoir en mars 2003, Recep Tayyip Erdogan s’est attelé au chantier sans fin de la réforme de la justice. En 2004, tandis qu’Ankara inaugurait une période de négociations en vue de l’adhésion à l’Union européenne, le dirigeant du parti de la Justice et du Développement (AKP), alors premier ministre, faisait remanier de fond en comble le Code pénal turc, vieux de 78 ans et calqué sur la législation italienne du régime fasciste de Benito Mussolini. Une petite révolution. En quelques années, les changements furent spectaculaires : le système judiciaire, plus indépendant, s’émancipait du pouvoir, celui des militaires comme celui du gouvernement. Il se modernisait pour satisfaire les critères démocratiques et garantir les libertés fondamentales réclamées par Bruxelles. Sous l’effet de ces réformes, stabilité politique et croissance économique s’installèrent et la popularité du dirigeant turc atteignit son apogée.
Aujourd’hui, Erdogan, qui voit son pouvoir fragilisé sous l’effet de la crise économique, aimerait bien renouer avec ce cercle vertueux. Avec Ankara, les pays européens discutent désormais de sanctions — une série de modestes mesures de rétorsion ont été décidées lors du dernier Conseil européen, mi-décembre — plus que de l’acquis communautaire. Le processus d’adhésion est en état de mort cérébrale. Car depuis plus de dix ans Erdogan a choisi une autre voie que celle de la réforme. Il a progressivement détricoté l’État de droit et placé le système judiciaire sous son contrôle unique. Ôtant toute indépendance aux cours de justice, il a concentré tous les pouvoirs et contre-pouvoirs entre ses mains et celles de ses proches.
Fin novembre 2020, le « Reïs » a renoué avec ses promesses de réforme judiciaire pour tenter d’apaiser ses relations avec ses partenaires occidentaux. Dans une annonce officielle, il a présenté la nouvelle ligne de son gouvernement, faisant miroiter un train de réformes pour « améliorer les droits de l’homme » et « protéger le droit de propriété ». Il a aussi réaffirmé sa volonté de voir la Turquie rester dans les rails du processus d’adhésion à l’UE. « Nous ne nous voyons pas ailleurs qu’en Europe », a-t-il claironné. L’éditorialiste Talha Köse, dont le journal, Sabah, est l’un des principaux organes de presse au service du président turc, y voit le début d’une « nouvelle ère », après quatre années d’agenda sécuritaire et répressif, justifié selon lui par la tentative de coup d’État du 15 juillet 2016. Ce discours a été bien accueilli par les pays de l’Union, mais il n’a pas suffi à les convaincre. « Il ne suffit pas que, depuis deux ou trois jours, on constate des déclarations apaisantes de la part du président Erdogan : il faut des actes », a commenté le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.
En Turquie aussi les promesses de l’indéboulonnable président turc n’ont convaincu que ses partisans. Le journaliste Taha Akyol, du quotidien conservateur Karar, proche de l’ancien premier ministre Ahmet Davutoglu, émet de sérieux doutes sur les intentions affichées. « Il dit que la Turquie va être un pays sans risques, avec un pouvoir d’attraction fort pour les investisseurs. Mais le seul moyen …
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