Il paraît que « l’espérance est un emprunt fait au bonheur ». Si le dicton ne ment pas, formons des vœux ardents pour 2021 ! Et, notamment, pour notre Europe que fragilisent sept crises concomitantes : sanitaire, économique, institutionnelle (Brexit), politique (populismes), sécuritaire (terrorisme), migratoire et climatique.
Mais puisqu’une crise est à la fois un drame à subir et une occasion à saisir, on ne s’étonnera pas que notre Rédaction ait souhaité donner la parole à des personnalités dont l’expérience peut contribuer au redressement.
Autre signe des temps et autre motif d’inquiétude : l’arrogance d’un quarteron d’autocrates dont deux des spécimens emblématiques sont, à proximité des hauts lieux de la civilisation, le Biélorusse Loukachenko et le Turc Erdogan.
En Biélorussie, Alexandre Loukachenko, après 26 années de pouvoir inique, continue de s’opposer par la force aux marées humaines qui réclament son départ. Dépassé, méprisé, détesté, il ose crier au « complot ». On songe au poème de Brecht (La solution) rédigé lors de l’insurrection de 1953 en RDA et qui disait à peu près ceci : « Puisque le peuple, par sa faute, a perdu la confiance du Gouvernement, le plus simple, pour ce Gouvernement, ne serait-il pas de dissoudre le peuple et d’en élire un autre ? »
Sortie victorieuse des urnes lors de la présidentielle d’août 2020, mais aussitôt privée de sa victoire par Loukachenko, Svetlana Tikhanovskaïa s’adresse à nos lecteurs depuis son exil forcé en Lituanie.
Quant à Recep Tayyip Erdogan, il embastille, lui aussi, tous ceux — civils et militaires — qui ont le mauvais goût de ne pas apprécier son régime despotique et sa dérive islamiste. Et, à l’extérieur, il piétine allègrement les règles internationales en pratiquant une politique du fait accompli, expansionniste, déstabilisatrice et totalement incompatible avec son appartenance à l’Otan. En Méditerranée orientale, en Libye, en Syrie, dans le Haut-Karabagh, en Europe même, le nouveau sultan mégalomane fixe unilatéralement les règles de la partie sans que les démocraties ne jugent urgent — à quelques timides sanctions près — de le ramener une fois pour toutes à la raison. Comment ce pays a-t-il pu passer aussi rapidement du statut de candidat à l’UE à celui de menace pour l’Europe ?
Sur ce thème, on lira, entre autres précieuses contributions, l’article de Nicolas Baverez. Une mise en garde qui nous rappelle qu’en 1936 la remilitarisation de la Rhénanie par Hitler n’avait été réalisée qu’avec 30 000 hommes et que si, d’entrée de jeu, on ne l’avait pas tolérée, le destin du monde eût été singulièrement différent.
Certes, l’époque n’est plus la même et les despotes ont d’autres traits. Mais, curieusement, aujourd’hui comme jadis, les démocrates s’obstinent à croire qu’un profil bas prémunit contre les agressions et que les dictateurs consentent à être apprivoisés…
Heureusement, il n’y a pas que de mauvaises nouvelles. Ce numéro d’hiver, en effet, braque également le projecteur sur les « accords d’Abraham » signés entre Israël et plusieurs États arabes (Émirats arabes unis, Bahreïn…). Des accords de normalisation qui sont d’ores et déjà en train de bouleverser la donne au Moyen-Orient. Des accords qui — qu’on s’en réjouisse ou qu’on s’en afflige — doivent beaucoup à Benyamin Netanyahou et à Donald Trump.
Au moment où le Premier Ministre israélien voit son pouvoir contesté et où le 45e Président des États-Unis doit céder la place à Joe Biden, les perspectives gigantesques qu’ouvre cette nouvelle séquence ne sauraient être minimisées.
Bien d’autres sujets sont proposés à nos lecteurs dans cette riche livraison hivernale. Des sujets confiés, comme à l’accoutumée, à ceux qui décryptent l’actualité et à ceux qui la font. En particulier, un passionnant Dossier spécial consacré à l’avenir du billet de banque face aux nouvelles monnaies.
Voilà. Tout est dit.
À toutes et à tous : bonne lecture !
Patrick Wajsman