Isabelle Lasserre — Quels sont les grands Européens qui font bouger l’Europe ? Quelles sont les têtes d’affiche qui réussissent à la faire progresser ?
Clément Beaune — Il serait impossible de ne pas citer Angela Merkel. La chancelière allemande a fait des choix déterminants pour l’Europe. Elle a abordé les crises avec le souci permanent d’éviter les clivages européens. Rien ne l’y prédisposait. Quand elle arrive au pouvoir en 2005, Angela Merkel ne possède pas de culture européenne rhénane, à l’instar d’Helmut Kohl par exemple. Elle a grandi dans l’est de l’Allemagne, et ses sensibilités vont d’abord à la partie orientale de l’Europe. Ce passé dont elle aurait pu rester prisonnière a au contraire fait d’elle une ardente défenseuse de l’unité. Ce principe d’unité fut même le fil rouge de ses mandats, sa grande priorité chaque fois qu’était menacée la survie de l’Europe ou celle d’un État — la Grèce, par exemple, pendant la crise financière. C’est cette exigence de rassemblement qui a parfois ralenti ses prises de décision, ce que les Français lui ont reproché.
I. L. — Qu’a-t-elle fait d’autre pour l’Europe ?
C. B. — Elle a développé et fait fructifier le leadership allemand au sein de l’UE. Comment ? En travaillant les réseaux européens, en soignant son groupe parlementaire, le PPE, en préparant chaque Conseil européen en amont, par des mini-sommets. Ce travail de fond effectué auprès des institutions européennes avait beaucoup manqué à la France ces dernières années. Angela Merkel a aussi manifesté un attachement viscéral au modèle de la démocratie libérale. En Europe, elle fut même l’une des rares voix à incarner ce modèle avec autant de constance, à défendre la démocratie du consensus, du compromis, de l’équilibre et des valeurs.
I. L. — Quel autre leader a marqué l’Europe ?
C. B. — Emmanuel Macron. Son leadership européen est plus récent et de nature différente de celui d’Angela Merkel. Le président de la République considère que l’Europe doit s’affirmer, se défendre, protéger. Contrairement à ses prédécesseurs qui ont souvent eu des doutes, lui considère que l’entente franco-allemande, même si elle n’est pas suffisante, est indispensable. Lorsqu’il est arrivé au pouvoir, en 2017, il n’a pas tourné autour du sujet, il a plongé dedans ! Il n’a eu aucune hésitation sur le fait que la relation franco-allemande devait être l’axe central de sa politique et de la relance européennes. La chancelière et lui sont très complémentaires. Ils ont posé le même diagnostic sur l’Europe et sont tous deux attachés au même modèle d’équilibre. Angela Merkel est une femme de réflexion et de parti, quand le président est plus directement dans l’action ; il exerce un leadership d’entraînement. Mais l’un et l’autre sont méticuleux et ces trois ans de travail en commun montrent bien que ce binôme franco-allemand est celui qui a le mieux fonctionné et obtenu le plus de résultats depuis le couple Kohl-Mitterrand.
I. L. — Qu’adviendra-t-il de l’entente franco-allemande quand Angela Merkel sera partie ?
C. B. — La chancelière a creusé un sillon qui, je pense, dépassera …
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