Juriste de formation, Didier Reynders, 62 ans, est commissaire européen en charge de la Justice depuis 2019. Il doit notamment renforcer la coopération judiciaire entre les États membres, garantir la contribution de la justice à la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme et soutenir la mise en place du Parquet européen. Son portefeuille couvre aussi la protection des consommateurs. Ancien avocat, Didier Reynders est une figure éminente de la vie politique belge. Après avoir fait carrière à la tête de la SNCB (les chemins de fer belges) et dans la banque en tant que président de Record Bank (ex-SEFB), il a obtenu son premier mandat de député en 1992 au sein du Parti réformateur libéral. Il deviendra ministre des Finances en 1999, poste qu’il ne quittera que douze ans plus tard, en 2011, pour prendre le portefeuille des Affaires étrangères sous trois gouvernements différents pendant presque huit ans. Européen convaincu — il ne craint pas de s’affirmer fédéraliste —, son poste à la Commission lui permet d’avoir une vue transversale avisée sur les grands dossiers du moment.
B. B.
Baudouin Bollaert — Le Covid-19 met à rude épreuve la liberté de mouvement dans l’UE et fragilise l’État de droit dans certains États membres. De votre poste d’observation, comment analysez-vous la situation ?
Didier Reynders — Concrètement, la Commission suit de près l’ensemble des mesures prises par les gouvernements des États membres, parfois dans l’urgence, pour combattre le coronavirus. Nous voulons nous assurer qu’il existe toujours un contrôle parlementaire et un contrôle judiciaire chargés de vérifier la conformité de ces mesures avec nos principes fondamentaux. Et nous intervenons si elles ne nous semblent pas compatibles. Tel est le processus que nous avons mis en place depuis le début de la pandémie, au printemps 2020.
B. B. — Avec quels résultats ?
D. R. — Dans le premier rapport annuel sur l’État de droit dans l’Union, que j’ai eu l’honneur de coordonner (1), nous avons publié le 30 septembre dernier un certain nombre de remarques. À propos de la liberté de circulation, nous estimons que fermer les frontières n’a guère de sens. Sûrement pas, en tout cas, en ce qui concerne le transport des marchandises. C’est pourquoi nous avons mis en place ce que nous appelons des « lignes vertes » pour faire en sorte que les médicaments et les équipements de protection — je pense aux masques — soient acheminés normalement. Au-delà, il fallait que les biens de première nécessité — essentiellement la nourriture — puissent circuler. Nous avons pris en considération toutes ces exigences et, quand les contrôles aux frontières ont été renforcés, nous avons demandé qu’ils soient dûment proportionnés. Pour être précis, il s’agit pour nous d’éviter les discriminations. La Hongrie, par exemple, a fermé ses frontières ou renforcé ses contrôles, mais avec une exception jusqu’à la fin du mois d’octobre pour les pays « amis » du groupe de Visegrad : Pologne, République tchèque et Slovaquie. Je suis donc intervenu avec ma collègue en charge des Affaires intérieures, Ylva Johansson, pour dénoncer cette discrimination et demander des explications. On nous a répondu à Budapest que ces pays envoyaient beaucoup de touristes en Hongrie : cela ne tenait pas la route et, finalement, j’ai obtenu de la partie hongroise la levée de cette discrimination.
B. B. — La Hongrie est-elle la seule « mauvaise élève » de la classe ?
D. R. — Je vous avoue qu’il est très compliqué de coordonner les actions à l’échelon européen. Nous avons mis six à huit semaines pour que les États membres se mettent d’accord sur la recommandation que nous avions émise afin d’obtenir des uns et des autres les mêmes critères sur la « carte couleur ». Jusqu’à la mi-octobre, vous aviez des régions qui étaient rouges pour certains et pas pour d’autres… C’était évidemment absurde de ne pas avoir la même appréciation de la pandémie d’un pays ou d’une province à l’autre ! Nous avons fini par obtenir satisfaction sur ce point et nous espérons progresser sur d’autres aspects tout aussi importants : je pense, en particulier, à la manière d’organiser les tests de dépistage.
La Commission va dépenser 100 millions d’euros pour mettre des tests à la …
Ce site est en accès libre. Pour lire la suite, il vous suffit de vous inscrire.
J'ai déjà un compte
M'inscrire
Celui-ci sera votre espace privilégié où vous pourrez consulter à tout moment :
- Historiques de commandes
- Liens vers les revues, articles ou entretiens achetés
- Informations personnelles