Myriam Danan — Vous avez récemment établi un parallèle entre la crise sanitaire actuelle et le conflit israélo-palestinien. Pouvez-vous expliciter cette comparaison ?
Micah Goodman — Le coronavirus est une leçon de politique qui nous oblige à réfléchir tant à une nouvelle stratégie qu’à notre communication. Il y a là un dilemme que tout le monde, aujourd’hui, a identifié.
Les meilleurs moyens qu’on a pu trouver pour freiner la contamination sont le confinement, le couvre-feu, la distanciation sociale. Ne pas aller à la plage, dans un avion, dans un autobus, dans un restaurant… Nous avons expérimenté toutes les restrictions possibles. Et plus il y a de barrières, plus la situation sanitaire s’améliore.
D’un autre côté, ces mesures sont destructrices pour l’économie. Dès que ces contraintes sont levées ou allégées, l’économie redémarre mais le virus regagne du terrain.
Il est également clair que, si on laisse le virus trop circuler, les hôpitaux se trouvent aussitôt engorgés et l’on doit alors affronter un risque élevé d’effondrement de nos systèmes de santé. Scénario catastrophe numéro 1.
Mais un confinement qui se prolonge trop constitue également un risque d’effondrement de nos économies. Scénario catastrophe numéro 2. Autrement dit, nous oscillons entre deux scénarios catastrophes dont l’un n’a rien à envier à l’autre. La meilleure solution consiste donc à naviguer entre ces deux icebergs.
M. D. — Mais l’analogie avec le conflit israélo-palestinien ?
M. G. — Pour moi, elle est évidente. Je m’explique. Si l’État d’Israël devait annexer la Cisjordanie, l’Autorité palestinienne s’écroulerait et les deux millions et demi de Palestiniens cisjordaniens passeraient sous la seule responsabilité des autorités israéliennes. Dans ce cas de figure, les 6 millions de Juifs israéliens cohabiteraient avec 4,5 millions de Palestiniens (2 millions de citoyens arabes + 2,5 millions de Palestiniens cisjordaniens, sans même parler des 2 millions d’habitants de Gaza). Autrement dit, Israël serait menacé de ne plus représenter, à terme, le foyer national du peuple juif. Il deviendrait un État binational accueillant à part presque égale une population juive et une population palestinienne. C’est, à mes yeux et aux yeux des partis de droite comme de gauche, un scénario catastrophe. La fin du rêve sioniste (1) .
Imaginons, à l’inverse, que l’armée israélienne quitte la Cisjordanie et même qu’une partie des 500 000 Juifs qui y vivent soient obligés de partir. Là, le risque est de voir se répéter ce qui s’est passé en 2005 dans la bande de Gaza, à savoir la montée en puissance d’organisations terroristes dans tous les territoires qu’évacueraient les Israéliens. Or la prise de pouvoir du Hamas est synonyme, jusqu’à aujourd’hui, de menace sécuritaire permanente pour les habitants du sud d’Israël. Ces citoyens israéliens vivent sur un territoire dont la propriété n’est contestée par personne et, pourtant, ils subissent les tirs de missiles incessants du Hamas et de ses affidés. Reproduire ce même scénario en Cisjordanie signifierait une menace sécuritaire immédiate pour tous ceux qui vivent à la périphérie, à quelques kilomètres seulement des territoires évacués… Autrement dit : la majorité de la population israélienne, de Tel-Aviv à Jérusalem.
Vous le constatez : nous …
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