Frédéric de Monicault ― La planète est en train de traverser une crise sanitaire sans précédent. Jusqu’à quel point le commerce international a-t-il été ébranlé ? De grands équilibres sont-ils en passe d’être modifiés ?
Isabelle Méjean ― Tout dépend selon que l’on raisonne à court ou à moyen terme. Sur le court terme, les conséquences de la crise sanitaire sont évidemment catastrophiques. Le commerce international est très tributaire du transport de biens. Certes, celui-ci a continué à fonctionner, y compris pendant le confinement, mais avec des délais importants, notamment en raison des contrôles aux frontières. Il est également tributaire du transport international de personnes, la logistique reposant encore largement sur les mobilités individuelles. Toutes ces difficultés ont un impact direct sur le volume des échanges. Cela dit, d’après des statistiques récentes, la baisse est proportionnelle à celle du PIB, ce qui n’est pas une mauvaise performance. Rappelons qu’en 2009, après la crise financière, le commerce mondial s’était contracté cinq fois plus que le PIB. Il semble donc que, pour 2020 au moins, on ait limité les dégâts. Cela tient en partie à la nature de la crise, la gestion des problèmes sanitaires nécessitant une grande quantité de biens échangés. Évidemment, les effets sont très hétérogènes entre pays. De ce point de vue, la position de la France est assez mauvaise. Avec une spécialisation dans l’aéronautique et le tourisme, la balance commerciale risque de se dégrader fortement.
La question, à présent, est celle des conséquences à plus long terme. Les entreprises vont-elles changer leur mode d’approvisionnement sous prétexte que la crise a mis en lumière les difficultés induites par un approvisionnement très éclaté dans un contexte de crise ? Je ne le pense pas. Les modes de production au sein des chaînes de valeur sont très efficaces et associés à des investissements importants. Je ne crois pas que les entreprises vont renoncer rapidement à ces gains de productivité. Enfin, reste la question géopolitique. Les leçons des crises précédentes sont toujours instructives : que ce soit après la crise financière de 1929 ou après la crise de 2009, on observe une tendance au repli sur soi. Aujourd’hui, les discours aux sonorités protectionnistes sont à la mode. Au cours des prochaines années, le développement des échanges dépendra largement de l’impact effectif de ces discours.
F. M. ― La pandémie de coronavirus réveille-t-elle le souvenir d’épisodes tout aussi marquants pour le commerce mondial ou, au contraire, s’agit-il d’un phénomène unique en son genre ?
I. M. — Cette pandémie se distingue par son caractère exceptionnel. Elle a généré à la fois une crise de la demande, avec des populations empêchées de consommer, et une crise de l’offre, avec des entreprises empêchées de travailler et/ou de produire. Ce double effet, inédit, explique la brutalité du ralentissement de l’activité et du commerce international. Cette addition d’une crise de la demande et d’une crise de l’offre chamboule les horizons mais il ne faut pas non plus sur-réagir. L’outil de production n’a pas été touché et les moyens logistiques sont toujours à disposition. En …
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