Le 15 septembre 2020, Donald Trump parraine la cérémonie de signature, à la Maison-Blanche, des deux « accords d’Abraham » entre Benyamin Nétanyahou, d’une part, et les ministres des Affaires étrangères des Émirats arabes unis et de Bahreïn, d’autre part. Le texte israélo-émirati est un « traité de paix » au sens plein du terme, qui s’inscrit dans le cadre ambitieux d’un « agenda stratégique pour le Moyen-Orient » voué à développer « la stabilité et la sécurité régionales ». Israël et Bahreïn s’accordent en revanche pour une simple « déclaration de paix », que signe le président américain, tout comme le texte précédent, en qualité de témoin. Le fait que le premier ministre israélien ait conclu ces deux accords avec, non pas ses homologues, mais le chef de la diplomatie des Émirats et celui de Bahreïn tranche avec les trois précédentes cérémonies de paix israélo-arabe à la Maison-Blanche, sous les mandats de Jimmy Carter, puis de Bill Clinton. Car c’est Anouar el-Sadate qui avait signé en 1979, avec Menahem Begin, le traité de paix israélo-égyptien ; c’est Yasser Arafat qui signa en 1993, avec Yitzhak Rabin, les accords de paix israélo-palestiniens (1) ; et c’est le roi Hussein qui acta, en 1994, toujours avec Rabin, la fin de l’état de guerre entre Israël et la Jordanie (2) . Mais le déséquilibre protocolaire des accords d’Abraham ne retire rien à leur portée historique.
C’est en effet la première fois qu’Israël trouve, avec les Émirats, un partenaire stratégique dans le monde arabe. Les traités conclus avec l’Égypte, puis la Jordanie n’ont jamais conduit à une « paix chaude » avec ces deux pays, quelle que soit l’étroitesse de la coopération nouée par Israël en matière de sécurité. Les Émirats ont, au contraire, annoncé non seulement l’établissement de vols directs avec Tel-Aviv, mais aussi l’exemption de visa pour les ressortissants israéliens, visa dont seront aussi dispensés les visiteurs émiratis en Israël. De nombreux projets de coopération commerciale, financière et scientifique sont envisagés. Un « fonds Abraham » d’investissement régional sera basé à Jérusalem. Israël, dans une marque exceptionnelle de confiance, oublie même les réticences que lui inspirait la vente par les États-Unis de chasseurs-bombardiers F35 aux Émirats, dont l’armée de l’air disposera ainsi d’une technologie aussi avancée que celle de Tsahal (3) . Par le passé, Israël n’avait pu nouer que des alliances de revers avec des pays non arabes — l’Iran du shah, plus encore que la Turquie des généraux ou l’Éthiopie du négus. Ces partenariats s’étaient poursuivis, après la chute d’Hailé Sélassié en 1975, avec le régime de Mengistu, puis après celle du shah, en 1979, avec la République islamique, qu’Israël avait secrètement soutenue durant sa guerre contre l’Irak de 1980 à 1988. Dans les deux cas, de telles coopérations militaires avaient facilité l’émigration vers Israël d’une bonne partie des communautés juives locales. Mais l’Iran allait devenir l’ennemi le plus acharné d’Israël dans la région, tandis que l’Éthiopie disparaissait de la scène moyen-orientale. D’où l’importance pour Israël du traité conclu avec les Émirats, dont la puissance militaire n’a cessé de se renforcer au cours de la décennie écoulée : …
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