Le XXe siècle, siècle des idéologies, fut aussi celui des dictateurs : Lénine et Staline, Mussolini et Hitler, Franco et Tito, Mao, Kim Jong-il, Fidel Castro ou Pol Pot. Tous ont instauré des États totalitaires fondés sur la terreur, qui ont provoqué des millions de morts. Tous furent le fruit empoisonné des guerres mondiales, de la désintégration du système international et des empires, de l’humiliation des peuples et du ressentiment, des grandes crises économiques et de la déstabilisation des classes moyennes — avec pour nœud les années 1930 qui virent l’Europe basculer entre les mains des tyrans alors que les démocraties étaient sorties victorieuses du premier conflit mondial. Tous se posèrent en hommes forts, prirent le pouvoir par la violence et l’institutionnalisèrent pour s’y maintenir. Tous ont fait de la guerre le principe de leur autorité absolue, la déployant à l’intérieur comme à l’extérieur. Nombre d’entre eux auraient pu être arrêtés avant que leur emprise sur l’État, sur leur pays et sur leur peuple ne devienne totale, avant que leurs premières conquêtes internationales ne confortent leur légitimité. Aucun ne l’a été.
La grande illusion
Le XXIe siècle s’est ouvert sur une grande illusion : celle de la fin de l’Histoire — avec son cortège de guerres, de crises et de révolutions —, de l’avènement de la démocratie et de la croissance pour l’éternité. Ces rêves se sont brisés sur les attentats de 2001 et l’offensive djihadiste, sur les guerres perdues d’Afghanistan, d’Irak et de Syrie, sur le krach financier puis sur l’épidémie de Covid-19. Sous la fin des idéologies, ce ne sont pas la paix et la liberté qui ont prospéré mais le nationalisme et le fanatisme religieux qui ont ressurgi. La mondialisation a implosé en 2008 pour laisser la place au protectionnisme et au retour en force des États dans la régulation des économies. La démocratie qui se voyait triomphante affronte désormais sa crise la plus grave depuis l’entre-deux-guerres, prise en étau entre les populismes à l’intérieur, les djihadistes et les nouvelles puissances impériales à l’extérieur.
Le système international du XXIe siècle est désormais caractérisé par des conflits de valeurs et d’institutions irréductibles, par la montée des ambitions de puissance et de la violence, par l’absence d’un leadership capable de réassurer sa stabilité, par l’affaiblissement de l’Occident au profit de l’Asie. Il est redevenu une jungle où les grands prédateurs font des démocraties leurs proies. La démesure qui s’est emparée des États-Unis, emportés par la multiplication des interventions militaires et les vertiges de l’économie de bulles, les a poussés vers le protectionnisme et l’isolationnisme, ouvrant un vaste espace aux « démocratures », et notamment à la Chine qui revendique ouvertement la première place mondiale.
Loin de s’imposer comme une norme universelle, la démocratie affronte aujourd’hui une menace mortelle avec la démocrature, mode de gouvernement autoritaire organisé autour du culte d’un homme fort, de l’exacerbation des passions identitaires, nationales et religieuses, du refus de l’État de droit et des libertés individuelles, du contrôle de l’État et de la société, des médias et des réseaux sociaux. Son modèle, inventé en Russie …
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